Le Mossad israélien est bien l’auteur de l’assassinat d’un scientifique nucléaire iranien. C’est en tout cas ce qu’affirme le Sunday Times, qui cite une source des services secrets israéliens. D’après le quotidien britannique, l’État hébreu serait également derrière les attaques menées ces deux dernières années contre cinq autres scientifiques iraniens, dont trois ont perdu la vie. Le récit de la dernière opération est digne d’un vrai film d’espionnage.
Il est huit heures, mardi dernier, lorsque les agents du Mossad, qui surveillent les allées et venues du scientifique depuis une maison à proximité, apprennent que celui-ci s’apprête à quitter son domicile en voiture. Or, les agents israéliens, qui espionnent par ailleurs les communications des forces de sécurité iraniennes, constatent également une activité anormale aux alentours du QG des services secrets iraniens, situé au centre-ville : un nombre non négligeable de voitures et d’individus sortent de l’édifice en courant. La police se précipite vers les rues avoisinantes. Le plan israélien a-t-il été démasqué ? Si les agents sont confondus, ils sont morts.
"Go !" lance sans hésiter le commandant de l’opération à ses agents, qui se tenaient prêts dans un garage. La moto quitte immédiatement sa cachette, et se faufile à travers les rues embouteillées de Téhéran. À 8 h 20, elle prend en filature la Peugeot 405 du scientifique, conduite par son garde du corps. Le visage camouflé par un masque antipollution, le passager de la moto prend le soin de vérifier que Mostafa Ahmadi Roshan est bien assis à droite du véhicule avant d’y attacher la bombe magnétique. La moto accélère. Neuf secondes plus tard, la bombe explose. Le scientifique meurt sur le coup. Grièvement blessé, son garde du corps décédera à l’hôpital.
Mostafa Ahmadi Roshan, ingénieur en chimie de 32 ans, était l’un des jeunes scientifiques en charge du programme nucléaire iranien. S’il était loin d’être le plus brillant d’entre eux, ce père d’un enfant avait la confiance du régime islamique, car il venait d’une famille religieuse et qu’il était membre des Basiji, milice de jeunes volontaires contrôlée par l’armée idéologique du régime, les Gardiens de la révolution.
Selon la source israélienne, citée par le Sunday Times, les assassinats sont les signes précurseurs, et pas une alternative, à une frappe militaire contre l’Iran, afin de rendre difficile la reconstruction des sites nucléaires s’ils sont bombardés. Sur ce sujet, l’omerta règne dans la classe politique israélienne. Seule exception : le brigadier général Yoav Mordechai, porte-parole de Tsahal, a écrit sur sa page Facebook qu’il ignorait l’identité des assassins du scientifique, mais qu’il ne "verserait pas la moindre larme pour lui".
Une réaction qui tranche avec celle de l’autre pays accusé par Téhéran, les États-Unis, qui, dans un discours d’une force inhabituelle, ont formellement démenti toute implication dans l’attaque. "Les États-Unis n’ont absolument rien à voir là-dedans", a dit Tommy Vietor, porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC), le cabinet de politique étrangère du président Barack Obama. "Nous condamnons avec force tous les actes de violence, dont les actes de violence comme ceux-ci", a-t-il dit.
Washington peine en effet à masquer ces derniers jours son exaspération vis-à-vis des actions unilatérales entreprises par l’État hébreu. D’autant plus que les États-Unis ont découvert en 2007-2008 qu’Israël avait recruté des militants de Jundallah, une organisation sunnite pakistanaise qui commet des attentats en Iran en se faisant passer pour des agents américains de la CIA, comme le relève le magazine américain Foreign Policy. Ainsi, le gouvernement américain s’inquiéterait de la préparation par Israël, malgré ses objections, d’une action militaire contre l’Iran. Washington ayant retiré ses soldats d’Irak, Tel-Aviv n’a désormais plus besoin de l’aval américain pour survoler le ciel irakien avant de frapper les installations nucléaires iraniennes.
Selon le Wall Street Journal, le président Barack Obama, le secrétaire à la Défense Leon Panetta et d’autres responsables de haut rang ont ainsi fait passer dernièrement une série de messages privés aux Israéliens pour les mettre en garde contre les conséquences d’une telle attaque. En outre, Washington a mis en place un plan d’urgence pour préserver ses établissements dans la région, notamment son ambassade à Bagdad. Et l’inquiétude américaine n’a fait qu’augmenter après la nouvelle de l’assassinat de Mostafa Ahmadi Roshan.
Dès le lendemain de l’attaque, Barack Obama a appelé le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, officiellement pour lui rappeler "le soutien indéfectible des États-Unis à la sécurité d’Israël". Pourtant, les deux pays ont annoncé dimanche le report de Austere Challenge 12, un exercice militaire conjoint important, prévu au printemps, officiellement pour des raisons budgétaires. Le même jour, le vice-Premier ministre israélien, Moshe Yaalon, a fait part de sa "déception" face aux "hésitations" de l’administration Obama sur un durcissement des sanctions contre le programme nucléaire iranien.
Également ministre des Affaires stratégiques, le responsable israélien a imputé le manque de fermeté du président américain à des considérations électorales à dix mois du scrutin présidentiel aux États-Unis. Des déclarations pour le moins étonnantes, le président américain s’étant montré particulièrement dur ces derniers temps dans le dossier nucléaire iranien, notamment pour satisfaire l’électorat juif, mais surtout républicain évangélique, en prévision des élections.
(16 janvier 2012 - Par Armin Arefi)
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