Cinq ans après l'intervention militaire qui a plongé la Libye dans le
chaos, les parlementaires britanniques étrillent les principaux
responsables de l'opération: David Cameron et Nicolas Sarkozy.
Quelles étaient les motivations de la France et du Royaume-Uni pour
intervenir militairement en Libye? En 2011, il s'agit officiellement
d'éviter que Benghazi, ville rebelle du nord du pays, ne subisse le
martyre que lui réserve Mouammar Kadhafi, implacable dictateur qui règne
sur la Libye depuis 41 ans. Pour les parlementaires britanniques qui
ont enquêté sur la question, ni David Cameron, ni Nicolas Sarkozy n'ont
agi par souci humanitaire.
Le premier à subir les foudres des parlementaires britanniques est David
Cameron, Premier ministre au moment de l'intervention militaire. En
creux, les membres de la commission d'enquête l'accusent d'avoir agi en
amateur en Libye. Le rapport parlementaire dénonce ainsi "une
compréhension très limitée des événements" et des responsables "qui ne
se sont pas vraiment souciés de surveiller de près ce qu'il se passait".
Plus loin dans leur rapport, les parlementaires mettent en doutent la
raison même pour laquelle la France et le Royaume-Uni sont intervenus en
Libye: le possible massacre de Benghazi. Ville côtière, Benghazi est en
mars 2011 aux mains des rebelles qui disputent le pouvoir au Colonel.
Alors que la communauté internationale imagine déjà le bain de sang que
vont y perpétrer les forces du dictateur, Paris et Londres décident
d'intervenir par voie aérienne, avec l'aval de l'ONU. Mais pour les
auteurs du rapport, l'histoire de Kadhafi aurait pu pousser les
dirigeants franco-britanniques à réfléchir autrement:
"Plusieurs exemples dans le passé auraient pu indiquer la manière dont
Kadhafi allait se comporter. (...) En 1980, Kadhafi a passé six mois à
pacifier les rapports entre les tribus de la Cyrénaïque. Il y a fort à
parier que sa réponse (au soulèvement de Benghazi, Ndlr) aurait été très
prudente... La peur d'un massacre de civils a été largement exagérée"
note le rapport.
Plus troublant encore, le rapport retranscrit une conversation avec un
membre des services secrets américains, expliquant avoir discuté avec
l'un de ses homologues français à propos de l'engagement français en
Libye.
Pour les Britanniques, la France n'est pas intervenue pour sauver
Benghazi, mais pour cinq autres raisons, bien différentes:
- S'emparer d'une partie de la production de pétrole libyenne
- Augmenter l'influence française en Afrique du Nord
- Améliorer la popularité de Nicolas Sarkozy en France
- Replacer l'armée française au centre de l'échiquier stratégique mondial
- Répliquer à la volonté de Kadhafi de remplacer la France comme puissance dominante en Afrique francophone
Cinq ans plus tard, note le rapport, la Libye est au bord du gouffre.
Reprenant un rapport d'Human Rights Watch, les parlementaires notent que
plus de deux millions de personnes nécessitent une aide humanitaire,
que 400.000 Libyens ont été déplacés de force, et que les forces
militaires en présence continuent de se livrer à de multiples exactions
contre les populations civiles et combattantes.
(15-09-2016 - Paul Aveline)
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