Sara et Elad Ziv, un couple de colons israéliens, et leurs filles,
devant leur maison à Amona, une implantation illégale, près de Ramallah,
le 7 septembre 2016 en Cisjordanie (Afp)
Devant sa maison perchée sur une colline battue par le vent en territoire palestinien, Elad Ziv, sandales aux pieds, tee-shirt sur le dos et kippa sur le crâne, invoque le livre biblique de Josué.
De l'autre côté de la vallée rocailleuse, Fouad Maadi déclare que tout ce qu'il veut, c'est "récupérer sa terre".
L'Israélien et le Palestinien sont deux des acteurs d'un drame qui a pris une ampleur internationale en raison des inquiétudes suscitées par l'expansion de la colonisation israélienne en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.
La Cour suprême israélienne a décidé que la colonie sauvage d'Amona où vit M. Ziv avec une quarantaine d'autres familles israéliennes a été construit sur une terre privée palestinienne et doit être détruit avant le 25 décembre.
Amona est une implantation illégale, non seulement aux yeux de la communauté internationale qui considère toute la colonisation comme telle, mais aussi au regard des lois qu'Israël applique sur la majorité de la Cisjordanie.
Entre ceux qui disent qu'Amona doit disparaître et les autres - politiciens nationalistes, défenseurs des colons, habitants de la colonie - pour lesquels elle doit rester, Amona est devenue l'objet d'une querelle telle que certains commentateurs se demandent si le sort du gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu pourrait y être suspendu.
L'enjeu dépasse les limites israéliennes: la communauté internationale suit l'affaire avec attention, inquiète d'une tendance grandissante selon elle à la légalisation rétroactive par Israël des colonies sauvages.
Ces tensions réveillent le souvenir de 2006 lorsque la démolition par Israël de neuf maisons à Amona avait dégénéré en affrontements violents entre colons et les forces israéliennes.
Les autorités israéliennes pourraient se tirer d'affaire en démolissant Amona tout en relocalisant la colonie juste à côté. Elles ont pris des dispositions en ce sens en préparant la saisie de terres toutes proches.
C'est ici qu'intervient Fouad Maadi. Une partie des terrains sur lesquels pourraient être transférées les familles d'Amona appartient à sa famille, selon lui. Il n'y a pas accès en raison d'autres colonies construites alentour, assure-t-il.
Debout devant sa maison dans le village chrétien palestinien de Taybeh, il montre du doigt de l'autre côté de la vallée le secteur en contrebas d'Amona où selon lui sa famille cultivait autrefois des olives, du raisin et des figues.
"C'est difficile d'entendre que vous allez perdre votre terre", explique l'ancien mécanicien de 60 ans, père de cinq enfants.
Les colons sont installés sur la colline, proche de Ramallah, depuis environ 20 ans.
Avec 200 à 300 habitants, Amona est désormais l'une des plus importantes colonies illégales de Cisjordanie, et ses occupants entretiennent l'espoir que, comme d'autres, elle sera légalisée.
Amona se situe à la convergence de problématiques parmi les plus épineuses du conflit israélo-palestinien. Pour une grande partie de la communauté internationale, la poursuite de la colonisation complique encore davantage la recherche d'une paix bien lointaine, en particulier lorsque des colonies illégales sont légalisées a posteriori.
Pour les experts, la colonisation exacerbe la colère de Palestiniens, jeunes pour la plupart, qui attaquent depuis des mois au couteau, à la voiture bélier ou parfois à l'arme à feu des soldats, des policiers ou des civils israéliens.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu réfute énergiquement que la colonisation fasse obstacle à la paix. Il incrimine en revanche le rejet par les Palestiniens de l'existence d'Israël, les incitations à la haine dans la société palestinienne et le refus des dirigeants palestiniens de reprendre les négociations.
Pour Gilad Grossman, membre d'une ONG israélienne qui aide les Palestiniens devant la justice, Israël "veut couper la Cisjordanie en deux d'est en ouest" à force de colonies. "Ainsi disparaîtra l'option viable de créer un Etat palestinien", selon lui.
Environ 400.000 colons vivent une coexistence souvent conflictuelle avec 2,6 millions de Palestiniens en Cisjordanie.
Elad Ziv, nationaliste religieux de 46 ans et père de sept enfants, invoque la connexion du peuple juif avec la terre biblique entre le Jourdain et la Méditerranée, y compris l'actuelle Cisjordanie qui, selon lui, ne pourra jamais être cédée pour créer un Etat palestinien.
Il est arrivé à Amona il y a 18 ans, alors qu'il n'y avait que trois familles. Depuis, les autorités israéliennes ont fini par raccorder Amona au réseau électrique et à construire des infrastructures.
"C'est chez nous et on n'ira nulle part ailleurs", lance Elad Ziv devant sa maison, un vaste préfabriqué. "Lorsque nous sommes arrivés ici, la terre était abandonnée", abonde son voisin Nahum Schwartz, père de six enfants, qui possède une bergerie et cultive des framboises. "Il n'y a pas de place ici pour un Etat palestinien", clame-t-il.
Après presque 50 ans d'occupation, M. Maadi a peu d'espoir. Sa terre lui reviendra "s'il y a une justice", dit-il, mais "je ne crois pas qu'il y ait une justice".
(22-09-2016)
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