Les premières élections programmées depuis dix ans en même temps dans
les territoires palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza ont
été officiellement reportées à une date inconnue, confirmant l'apparente
incapacité des factions rivales à se réconcilier. La commission en
charge du scrutin a confirmé mardi que la consultation n'aurait pas lieu
à la date prévue du 8 octobre. Elle n'a pas annoncé de nouvelle
échéance. Mais le Hamas au pouvoir à Gaza a considéré que cette décision
revenait à l'annulation pure et simple du scrutin.
Les divisions inter-palestiniennes sont telles que la tenue de ces
premières élections conjointes depuis 2006 n'a cessé d'être mise en
doute. La Cisjordanie et la bande de Gaza ne sont pas seulement séparées
géographiquement par Israël, mais aussi politiquement par des années
d'animosité entre le Fatah laïque, force palestinienne dominante dans la
Cisjordanie sous occupation israélienne, et le Hamas islamiste, qui
dirige sans partage Gaza, soumise au blocus par Israël. Le Hamas a
remporté en 2006 les législatives, dernières élections à s'être tenues
conjointement à Gaza et en Cisjordanie. Mais le groupe considéré comme «
terroriste » par Israël, les États-Unis ou l'Union européenne a été
privé de sa victoire. Il a pris le pouvoir à Gaza en 2007 au prix d'une
quasi-guerre civile avec le Fatah.
Depuis, l'Autorité palestinienne, entité intérimaire préfigurant un
futur État indépendant et dominée par le Fatah, n'exerce plus son
pouvoir, depuis Ramallah, que sur la Cisjordanie. L'organisation de
municipales dans ce contexte passait pour une gageure. Si elles avaient
lieu, elles passeraient pour un important indicateur de la faculté des
groupes palestiniens à surmonter leurs dissensions, et des rapports de
force politiques. Mais le fossé n'a cessé de se creuser, en commençant
par l'invalidation par des tribunaux gazaouis de listes du Fatah dans
l'enclave. Puis, le 8 septembre, la Cour suprême suspendait le processus
électoral. Mercredi, elle a reporté sa décision jusqu'au 3 octobre sur
les instances du magistrat représentant l'Autorité palestinienne, Naël
al-Huwah, favorable au gel.
Ce dernier a invoqué le conflit de compétences entre Gaza et Ramallah.
Les tribunaux de Gaza « sont présidés par des juges qui n'ont pas prêté
serment devant le président » de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas
et ne sont pas donc « légitimes », a-t-il déclaré après l'audience. Il
fait aussi valoir que les élections ne pouvaient se dérouler à
Jérusalem-Est, dont les Palestiniens veulent faire la capitale de leur
futur État, mais où Israël, qui l'a annexée, interdit toute activité
politique palestinienne. « En l'état actuel, il n'y a plus d'élections.
Il nous faut une nouvelle décision pour réparer les erreurs faites par
le gouvernement », a ajouté Naël al-Huwah.
La commission électorale a aussitôt annoncé « la suspension de toute
activité électorale jusqu'à ce que la Cour se prononce définitivement »,
et décidé que la date du 8 octobre n'était « plus valable ». Pour Sami
Abou Zouhri, porte-parole du Hamas, cette décision revient à « une
annulation du processus électoral », qui relève d'une manœuvre de la
part du Fatah « visant à échapper aux élections ».
Le président Abbas avait fait un pari : convoquer des élections en
espérant qu'aucun front uni ne se présenterait face à son parti, comme
cela avait été le cas aux municipales de 2012, souligne Xavier Guignard,
spécialiste de la politique palestinienne. Mais il a été pris en défaut
par le Hamas, qui a décidé de soutenir des listes de technocrates dans
toutes les circonscriptions, et celle des cinq partis de la gauche qui,
fait rare, ont fait liste commune. Ensuite, « aucune des tactiques pour
se prémunir d'une défaite n'a marché en amont des élections », selon
lui.
L'incapacité des groupes palestiniens à présenter un front commun passe
pour un obstacle majeur à un règlement du conflit israélo-palestinien.
Une annulation des élections risque d'entamer encore davantage le crédit
du président Abbas. Sur la page Facebook de la commission électorale,
le débat était vif entre partisans d'une annulation ou d'un maintien du
scrutin. « Le président essaie d'échapper (aux élections) avec une
décision de justice », accusait un internaute, Ayesh Abu Mayaleh. Un
autre, Ahmed Assi, affirmait que « personne ne veut d'élections
transparentes et libres, à Gaza comme en Cisjordanie ».
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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