La Tunisie doit réformer en profondeur la "loi 52", un texte controversé
qui rend systématiquement passible de peines d'emprisonnement la
consommation de stupéfiants, essentiellement du cannabis, a estimé mardi
Human Rights Watch (HRW), dénonçant le "coût social" de l'actuelle
législation.
Promulguée en 1992 du temps de la dictature de Zine el Abidine Ben Ali,
cette loi prévoit une peine minimale d'un an de prison pour consommation
de stupéfiants et interdit aux magistrats de prendre en compte des
circonstances atténuantes.
A ce jour, près d'un tiers des détenus condamnés en Tunisie ont été
arrêtés en lien avec des affaires de stupéfiants, parmi lesquels une
majorité de consommateurs de "zatla" (résine de cannabis).
Cette loi est combattue par un collectif citoyen, "Al Sajin 52" ("Le
Prisonnier 52"), qui estime qu'elle "détruit des vies". Un projet
d'amendement a par ailleurs été transmis fin décembre au Parlement.
Mais le texte gouvernemental, qui prévoit des peines alternatives à la
prison pour les deux premières condamnations, "ne permettrait pas de
résoudre les atteintes aux droits de l'Homme", estime HRW dans un
rapport intitulé "Tout cela pour un joint".
Pour cela, la Tunisie devrait éliminer toutes les peines
d'emprisonnement dans les cas de "consommation ou de possession à titre
privé de stupéfiants", juge l'ONG basée à New York.
HRW indique avoir interrogé 47 personnes condamnées au titre de la "loi 52" et dénonce son "coût social".
"Si vous fumez un joint en Tunisie, vous risquez d'être arrêté, frappé
par la police, soumis à un test d'urine puis enfermé un an dans une
prison surpeuplée avec des criminels au long cours comme compagnons",
affirme sa responsable locale, Amna Guellali.
"Quiconque passe par la prison est perçu à jamais comme un criminel",
renchérit un ancien détenu identifié par ses initiales "S.T".
L'ONG note que l'existence d'un casier judiciaire complique la recherche
d'un emploi dans un pays où le chômage des jeunes constitue déjà un
fléau.
Le projet de loi, en créant un délit "d'incitation publique" à
contrevenir à la loi sur les stupéfiants, peut en outre nuire à la
liberté d'expression, poursuit HRW.
Selon elle, il pourrait être utilisé contre des personnes appelant à la
dépénalisation ou encore contre des rappeurs dont les chansons traitent
de la drogue.
D'après des ONG, la "loi 52" a déjà pu servir de prétexte pour réprimer
la liberté d'expression d'artistes et notamment de rappeurs critiques
des forces de l'ordre, sous couvert de possession ou consommation de
stupéfiants.
A fin décembre, 7.451 personnes étaient emprisonnées en Tunisie au titre
de la "loi 52", dont 4.189 ayant fait l'objet d'une condamnation -les
autres étant en détention préventive-.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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