Cinq ans après un soulèvement populaire durement réprimé, le royaume de
Bahreïn est enfermé dans une impasse politique doublée d'une crise
économique qui soulignent l'urgence d'un compromis entre pouvoir et
opposition, selon des experts.
Le 14 février 2011, ce petit pays du Golfe était à son tour touché par
le Printemps arabe. Un mouvement de contestation est lancé par la
majorité chiite pour réclamer des réformes et une véritable monarchie
constitutionnelle dans ce royaume dirigé par une dynastie sunnite.
Le régime, appuyé par l'Arabie saoudite, choisit la répression et
emprisonne les animateurs de la contestation. Cheikh Ali Salmane, le
chef d'Al-Wefaq, principal groupe de l'opposition chiite, est condamné
en juin 2015 à quatre ans de prison pour incitation à la désobéissance.
Des dizaines d'autres dissidents sont incarcérés ou déchus de leur
nationalité.
Depuis cinq ans, Bahreïn, qui accueille la Ve Flotte américaine, est
secoué par des troubles sporadiques. Les autorités ont prévenu cette
semaine que tout appel à manifester le 14 février serait considéré comme
"une infraction criminelle punie par la loi".
Le pouvoir, qui nie toute discrimination envers les chiites, accuse
Téhéran d'"interférences" et annonce à intervalles réguliers le
démantèlement de "cellules terroristes liées à l'Iran" qui dément
systématiquement.
"Les espoirs de justice et de réformes s?affaiblissent", a jugé cette
semaine Amnesty International. "Aujourd'hui à Bahreïn, quiconque ose
critiquer les autorités (...) risque d'être puni", selon James Lynch,
son directeur adjoint pour le Moyen-Orient.
Pour l'expert émirati Mohamed Baharoun, "les événements du 14 février
2011 ont ébranlé la confiance dans la classe politique". Il souligne que
"la situation politique est toujours tendue, mais que la crise
économique actuelle offre l'occasion d'envisager une plateforme commune
pour relever ce défi".
- Croissance en berne -
Le royaume, qui produit 190.000 barils de brut par jour dont 150.000
d'un champ offshore partagé avec l'Arabie saoudite, est en effet atteint
de plein fouet par la baisse des prix pétroliers.
Cet effondrement a conduit le gouvernement à réduire les subventions sur
les prix des carburants, de la viande, du tabac et, bientôt, de
l'électricité et de l'eau, pour tenter, à l'instar des autres monarchies
du Golfe, de résorber son déficit budgétaire.
Il s'est engagé dans "une politique d'austérité pour faire face à la
chute de ses recettes pétrolières, dont il tire 86% à 88% des revenus",
résume l'économiste Jaafar Al-Sayegh.
Bahreïn devrait voir son taux de croissance baisser cette année à 2,25%,
contre 3,2% en 2015 et 4,5% en 2014, alors que son déficit budgétaire
et sa dette publique ont représenté l'an dernier respectivement 15% et
63% du PIB, selon le Fonds monétaire international (FMI).
"Le déclin des prix du pétrole devrait persister sur le moyen terme",
prédit l'analyste Padamja Khandelwal qui a conduit en janvier une
mission du FMI à Manama. De ce fait, le gouvernement du roi Hamad ben
Issa Al-Khalifa pourrait introduire une TVA et geler les salaires dans
la fonction publique, selon elle.
- Dialogue et compromis -
"L'espoir d'une sortie de crise passe par un rebond des cours du brut
(...) mais aussi par des ententes politiques", estime M. Sayegh,
président de l'Association bahreïnie des économistes.
Pour l'ancien ministre Ali Fakhro, l'austérité promue à Bahreïn comme
dans les autres monarchies pétrolières du Golfe "ne règlera pas le
problème économique". "Il faut réduire les dépenses publiques, notamment
celles liées à la défense et à la sécurité, qui absorbent jusqu'à 25%
des revenus de ces pays, et s'attaquer à la corruption".
M. Fakhro prône une politique concertée entre les six monarchies du
Conseil de coopération du Golfe (CCG) pour asseoir les bases d'"une
économie productive", envisagée depuis la création en 1981 de ce
groupement régional mais jamais appliquée.
"Bahreïn ne pourra jamais s'en sortir tout seul. Les pays du CCG doivent
oeuvrer pour se racheter ensemble ou se noyer ensemble", prévient-il.
"La crise politique est parvenue à un stade où elle est devenue
ingérable. Ni le gouvernement, ni l'opposition ne peuvent la débloquer.
L'alternative, c'est d'arriver à des compromis par le dialogue",
souligne l'ancien ministre.
L'opposition semble prête à discuter. "Le dialogue national peut
favoriser un règlement de la difficile crise politique et
constitutionnelle (...) et aider à trouver de vraies solutions à la
détérioration des conditions de vie", ont répété en janvier quatre
groupes d'opposition, dont Al-Wefaq, malgré l'échec ces dernières années
de précédentes séries de dialogue.
(12-02-2016 - Assawra avec les
agences de presse)
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