mardi 16 février 2016

Libye : Deux millions d'enfants non scolarisés (Benoît Delmas)

Un pays émietté, clanifié, une armurerie à ciel ouvert. Et des civils qui subissent. Au nord, la Tripolitaine et la Cyrénaïque s'affrontent par gouvernements, parlements et milices interposés. Au sud, des tribus qui dealent, commercent avec les trafiquants du Sahel, les combattants de toutes obédiences. Et les Touareg et les Toubou, deux des plus importantes tribus, s'entretuent à intervalles réguliers dans la région d'Oubari. Venu du Borno, dans le nord-est du Nigeria, Boko Haram (une secte djihadiste qui a fait allégeance à Daech) multiplie les attentats dans les pays voisins (Cameroun, Tchad). Sous le sable libyen, l'or noir et le gaz devraient assurer prospérité et avenir radieux à une population d'à peine six millions d'habitants. Malgré les plus vastes réserves en Afrique (entre 44 et 46 milliards de barils), les neuvièmes au monde, la Libye de 2016 frôle le dépôt de bilan. Une tragédie sociale pour ses ressortissants.

La jeune génération privée d'éducation
Les plus jeunes sont les premières victimes des multiples conflits. La Banque mondiale estime que deux millions d'enfants ne sont pas scolarisés. Si ce chiffre est le même pour la Syrie, cela représente un tiers de la population libyenne. La Syrie de 2016 compte 16,6 millions d'habitants (contre 22 en 2013) contre six millions pour le territoire libyen. La moyenne d'âge est de 28 ans contre 31 pour la Tunisie. Seule l'Égypte a une population plus jeune : 25 ans d'âge médian. Kadhafi avait usé des pétrodollars aux seuls intérêts de sa personne, de son clan et de ses alliés, lui garantissant sa survie à la tête du pays. Le despote ne souhaitait pas une jeunesse éduquée, ayant l'esprit critique. Désormais, ravagé par les divisions et la violence, le pays est à l'arrêt. Son système scolaire, également. Cela aura des conséquences à moyen et long terme pour cette génération.


La Banque mondiale sonne le glas
Dans un rapport consacré aux « effets économiques de la guerre et de la paix », la division MENA (Middle East, North Africa) de l'institution issue des accords de Bretton Woods analyse le coût des conflits, l'atout démocratique pour la croissance économique des nations. La Libye, avec l'Irak, le Yémen et la Syrie, fait partie du « quatuor enlisé dans des guerres civiles » sans perspectives de paix à court terme. « La Libye se distingue avec un déficit public dépassant 55,2 % du PIB », soulignent les experts. Les hydrocarbures représentent 95 % des exportations et des revenus de l'État. État qui n'existe plus dans la réalité. Deux terminaux pétroliers représentant 50 % des exportations de brut sont à l'arrêt. Et, sans les dollars de cette matière première, le pays ne peut plus acheter les produits de consommation courante. La contrebande flambe. Les Nations unies estiment que 2,44 millions de Libyens ont besoin d'une assistance humanitaire.


Hydrocarbures : 95 % des recettes de l'État
La surabondance de l'offre en pétrole voulu par les Saoudiens et que l'Opep semble incapable de juguler a fait chuter le cours du pétrole. L'Iran, le 15 février, effectue ses premières livraisons en Europe. Quelque quatre millions de barils voguent vers la Roumanie, l'Espagne... L'offre de la NOC, la compagnie nationale libyenne, monte en temps de paix, au minimum, à 1,8 million de barils par jour. Aujourd'hui, 440 000 barils représentent la production journalière. Daech, qui a fait, avec la complicité de certains kadhafistes, de Syrte et alentour son fief, menace le croissant pétrolier. Depuis janvier, les attaques contre les champs pétroliers se sont multipliées. Pour autant, la destination Libye demeure très prisée des géants du pétrole. L'ENI a découvert en 2015 deux importants gisements off shore (Bahr Essalam South, 50 millions de mètres cubes par jour, Bouri North, 3 000 barils par jour). 80 % du gaz utilisé en Italie provient de la Libye.


(16-02-2016 - Benoît Delmas)

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