Pour la première fois, le gouvernement israélien a décidé de construire
une ville pour la minorité druze, mais sur une terre de batailles à
l'endroit même où le conquérant musulman Saladin écrasa les Croisés et
où des siècles plus tard Napoléon affronta les Ottomans.
Les critiques sont venues de dignitaires religieux et d'habitants druzes
du coin, ceux-là même auxquels le gouvernement de Benjamin Netanyahu
destinait ces logements. Pour eux, le chantier prévu dans les collines
de Galilée menace des trésors archéologiques et des paysages que
l'Unesco envisageait d'inclure au patrimoine mondial de l'Humanité.
L'Autorité israélienne de la planification et de la construction a
approuvé ces plans en janvier et le gouvernement s'est aussitôt félicité
de sa décision de construire, pour la première fois depuis la création
d'Israël en 1948, une ville pour les Druzes. Dans le nord du pays, cette
minorité arabophone, dont la religion d'initiés émane de l'islam
chiite, compte 110.000 personnes.
Mais, rétorquent leurs leaders, si les localités où elles résident
souffrent d'un manque chronique d'infrastructures, le site choisi ne
fera qu'empoisonner leurs relations avec les Palestiniens.
- Vivre sur les terres de réfugiés palestiniens -
Israël prévoit de construire 400 logements puis, dans une seconde phase,
2.500 autres à 300 mètres au dessus du Lac de Tibériade, où vivaient
avant 1948 les cultivateurs de Hattin et de Nemrin, des villages
palestiniens dont les habitants sont aujourd'hui des réfugiés à travers
le Proche-Orient.
"Aucun Druze n'acceptera de s'installer sur les terres de
quelqu'un d'autre", assure à l'AFP Salah Tarif, ancien ministre
travailliste et lui-même Druze. "Nous ne voulons pas qu'on nous reproche
de vivre sur les terres de personnes déplacées ou de gens qui n'ont
nulle part où vivre".
Car, explique Rafiq Halabi, qui dirige le conseil du plus grand village
druze du pays, Daliat al-Carmel, "cela pourrait affecter les relations
déjà sensibles entre les Druzes et les Palestiniens".
Un autre Druze, Ayoub Kara, vice-ministre et membre du Likoud - le parti
de droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu - s'est promis, lui,
de donner l'exemple. "Je veux vivre là-bas, devenir un pilier de la
communauté et accueillir des anciens militaires druzes et d'autres
Druzes qui voudront s'installer pour bénéficier des meilleures
conditions de vie", lance-t-il, enthousiaste, à l'AFP.
Contrairement aux autres Arabes Israéliens, descendants des Palestiniens
restés sur leur terre à la création de l'Etat hébreu, les Druzes
israéliens sont obligés par la loi d'effectuer les trois ans de service
militaire, ce qui constitue l'une des raisons des tensions avec les
Palestiniens.
- 'Seigneur du monde musulman' -
Un autre obstacle se dresse sur la route du projet gouvernemental: il
est à deux pas du pic montagneux qui a donné son nom à une célèbre
bataille, celle des Cornes de Hattin. C'est là qu'en 1187, les troupes
musulmanes de Saladin ont écrasé les Croisés venus d'Europe.
Trois mois plus tard, Jérusalem tombait, Saladin mettant fin à 88 ans de règne croisé sur la Ville sainte.
"Aux Cornes de Hattin, la plus grande armée jamais levée par le royaume
était réduite à néant", rapporte l'historien Steven Runciman dans son
histoire des Croisades en trois volumes. "Le vainqueur était le seigneur
de tout le monde musulman".
Chaque année, le Club du royaume de Jérusalem organise une
reconstitution de la bataille. Pour Genadiy Nizhnik-Kolomiychuk, qui en
fait partie, le parc national Hattin et toute la zone alentour est un
trésor historique à préserver.
Les autorités israéliennes assurent que le parc ne sera pas touché par
leur projet de ville nouvelle. Ce n'est pas suffisant, rétorque M.
Nizhnik-Kolomiychuk car l'ensemble de la "zone est stratégique; Napoléon
s'y est battu deux fois" contre les troupes de l'Empire ottoman en
1799.
"Du point de vue historique et archéologique, l'ensemble est important.
Il y a aussi des vestiges de routes construites par les Romains", abonde
Nati Rosenzweig, gestionnaire de l'élevage du kibboutz Lavi, situé sur
les terres domaniales et voisines du site de la bataille.
"Personne n'a informé le kibboutz à l'avance", déplore-t-il depuis son
bureau dans la ferme collective, pourtant, "en vivant ici nous sommes
devenus très liés à l'histoire des Cornes de Hattin".
La première phase de construction doit se dérouler sur la route qui relie Nazareth à Tibériade.
"Je ne pense pas qu'ils vont toucher aux Cornes de Hattin en
elles-mêmes, mais ils viendront jusqu'à leurs pieds", prévoit Nati
Rosenzweig.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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