Israël déclaré "Etat terroriste", rappels d’ambassadeurs,
mobilisations populaires : l’Amérique latine est aux avant-postes de la
condamnation de la meurtrière opération militaire israélienne menée dans
la bande de Gaza et offre un inédit soutien quasiment unanime aux
Palestiniens.
"Je ne me souviens pas d’une situation similaire où tous (les pays de
la région) aient réagi pratiquement comme un bloc", souligne pour l’AFP
Reginaldo Nasser, du département de Politique de l’Université
pontificale de Sao Paulo, au Brésil.
Parmi les dernières prises de position, celle du président de la
Bolivie Evo Morales, l’une des principales figures de la gauche radicale
latino-américaine, est la plus symbolique : il a placé mercredi Israël
sur une liste "des Etats terroristes", supprimant un accord d’exemption
de visa entre les deux pays.
Jeudi, après 24 jours d’un conflit dévastateur entre le Hamas et
Israël, le bilan du côté palestinien est désormais de plus de 1400
morts et 8000 blessés, en grande majorité des civils, selon les
secours. Plus de 245 enfants figurent parmi les morts, selon l’Unicef.
Du côté israélien, 56 soldats et trois civils ont perdu la vie.
Avant M. Morales, la brésilienne Dilma Rousseff avait qualifié de
"massacre" l’offensive de l’Etat hébreu, récusant toutefois le terme de
"génocide" employé par exemple par un député du parti socialiste au
pouvoir au Venezuela, dont le président Nicolas Maduro a fustigé "une
guerre d’extermination menée depuis presque un siècle" à l’encontre du
peuple palestinien.
Signe de crispation entre le Brésil et Israël, la décision de
Mme Rousseff la semaine dernière de rappeler pour consultations son
ambassadeur à Tel Aviv lui avait valu le sobriquet de "nain
diplomatique" attribué par un porte-parole de la diplomatie israélienne.
Toute la région a condamné la violence des opérations israéliennes,
demandé un cessez-le-feu et la reprise des négociations entre
belligérants, mais à l’instar du Brésil, le Pérou, l’Equateur, le Chili
ou le Salvador ont rappelé pour consultations leurs ambassadeurs en
Israël.
De même que le Costa Rica, l’Argentine, qui compte la plus importante
communauté juive de la région, a quant à elle convoqué au ministère des
Affaires étrangères l’ambassadrice d’Israël.
Jeudi, le président uruguayen Jose Mujica a demandé "un retrait
immédiat des troupes" israéliennes de Gaza et envisagé de rappeler son
représentant à Tel Aviv.
En réaction, le porte-parole du ministère israélien des Affaires
étrangères, Yigal Palmor, a exprimé mercredi "sa profonde déception",
considérant que ces décisions constituaient "un encouragement" pour le
Hamas.
D’autres pays dirigés par la gauche radicale ont rompu depuis
plusieurs années déjà leurs relations diplomatiques avec Israël, comme
le Nicaragua en 2010, le Venezuela et la Bolivie en 2009, après une
précédente opération meurtrière à Gaza, ou Cuba, en 1973, après la
guerre du Kippour.
Seule voix discordante à ce jour, la Colombie, dirigée par le
président de centre-droit Juan Manuel Santos, qui a écarté tout rappel
de son représentant diplomatique à Tel Aviv.
Lui-même surpris par cette quasi unanimité diplomatique, Reginaldo
Nasser se risque à formuler "quelques hypothèses". "En premier lieu, un
pays faisant aujourd’hui une déclaration contre Israël ne sera plus
considéré comme hors des normes internationales", souligne-t-il.
Pour expliquer les mobilisations populaires pro-palestiniennes plus
importantes en Europe et en Amérique latine que dans les pays arabes, il
estime que "la question palestinienne représente (pour la région) un
sujet historique de relations asymétriques avec le pouvoir".
Enfin, la dimension anti-américaine, souvent sous-jacente dans le
sous-continent : "La relation d’Israël avec les Etats-Unis est rejetée
dans la région, et cela conduit à une certaine identification",
assure-t-il.
Mais les réactions officielles emboîtent le pas aux mobilisations
populaires, rappelle de son côté Ismene Ithai Bras, de la faculté de
Sciences politiques et sociales de l’Université autonome du Mexique
(UNAM).
Ces dernières semaines, plusieurs manifestations se sont
effectivement déroulées de Mexico à Santiago du Chili, réunissant
parfois plusieurs milliers de personnes, en soutien au peuple
palestinien.
Pour Mme Bras, "il s’agit d’une identification avec la douleur, d’un
sentiment de solidarité avec ce qui se passe en Amérique latine", où le
sentiment d’oppression est très répandu. Les Sud-Américains pensent :
"Quelqu’un (leur) marche dessus, et personne ne fait rien",
résume-t-elle, percevant dans la région "une posture contre
l’impérialisme" qui serait symbolisée par le conflit
israélo-palestinien.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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