Le pouvoir central en Libye est plongé dans un imbroglio politique avec
deux gouvernements se disputant la légitimité mais dans l’incapacité
l’un comme l’autre de mettre fin aux violences meurtrières à Benghazi,
fief des groupes radicaux dans l’est du pays.
Le général dissident Khalifa Haftar a profité de cette confusion, pour
rallier un soutien auprès de la population, des politiciens et
militaires, en lançant une campagne contre les "terroristes".
"Quand l’Etat est absent, quiconque émerge peut être considéré comme une
planche de salut", a estimé Othmane Ben Sassi, ancien membre du Conseil
national de transition (CNT), ex-bras politique de la rébellion qui a
renversé le régime de Muammar Kadhafi en 2011.
Lundi encore, au moment où des affrontements meurtriers opposaient les
forces loyales à Khalifa Haftar aux groupes radicaux à Benghazi, le
nouveau Premier ministre contesté, Ahmed Miitig, s’installait au siège
de la primature malgré le refus du chef du gouvernement sortant de lui
remettre le pouvoir.
Abdallah al-Theni avait affirmé mercredi qu’il s’en remettait à la
justice pour déterminer s’il devait céder le pouvoir au nouveau cabinet,
évoquant des recours déposés par des députés contre l’élection
chaotique début mai de M. Miitig au Parlement.
Ce recours devrait être examiné jeudi par la Cour suprême, selon des députés.
Le vice-président du Congrès général national (CGN, Parlement), la plus
haute autorité politique et législative du pays, le libéral Ezzedine
al-Awami, a qualifié la prise du siège de la primature par M. Miitig de
"coup d’Etat".
Récemment après des manifestations en sa faveur, le général Haftar avait
déclaré avoir eu un "mandat" du peuple pour continuer sa "bataille
contre les terroristes".
Il est accusé par les autorités ainsi que par les islamistes de mener un
coup d’Etat, ce qu’il dément en affirmant qu’il n’avait aucune ambition
politique.
Aucun des deux Premiers ministres rivaux n’a proclamé publiquement son
soutien à la campagne du général dissident.
Tous deux se sont déclarés déterminés, a l’instar de M. Haftar, à
combattre le terrorisme, en insistant toutefois sur le fait que toute
opération devait se faire dans le cadre de l’Etat.
Relayant les doutes sur les réelles intentions de M. Haftar, M. Ben
Sassi a indiqué que le général dissident préparait déjà sa campagne
avant même le déclenchement de la crise politique à Tripoli.
"La division de la classe politique et l’absence totale de l’Etat à
Benghazi, lui ont donné plus d’influence et de soutien, lui permettant
de se substituer à l’Etat, en utilisant l’armée régulière et même les
forces aériennes" qui avaient rallié son offensive, a-t-il dit.
M. Miitig, jeune homme d’affaires de Misrata, sans affinités politiques,
est appuyé par les islamistes qui ont remporté le bras de fer avec les
libéraux.
Les blocs islamistes au Congrès général national (CGN, Parlement) ont
gagné en effet en influence en recrutant parmi les indépendants, mais
ils sont accusés par leurs rivaux de recourir à des pratiques
frauduleuses pour prendre le pouvoir.
"Le face à face Miitig/al-Theni est une illustration du bras de fer que
se livrent les islamistes et les libéraux", estime l’analyste Iyad Ben
Omar.
"Tous deux s’accrochent au pouvoir alors que les législatives sont
prévues dans quelques semaines, ce qui démontre qu’ils obéissent à des
agendas politiques", ajoute-t-il.
Des observateurs estiment que les islamistes au Congrès tentent
d’imposer M. Miitig, considéré par eux comme garant pour leur survie
politique, avant l’élection prévue le 25 juin d’un nouveau parlement.
Sur le terrain, les combats ont cessé à Benghazi, selon un correspondant
de l’AFP. Mercredi matin, les rues étaient désertes. Les écoles et
lycées ont suspendu les cours et les examens jusqu’à nouvel ordre et les
banques étaient aussi fermées.
Les affrontements ayant opposé lundi les forces du général Khalifa
Haftar à des groupes islamistes dans cette ville ont fait 21 morts, dont
onze militaires, et 112 blessés, selon des hôpitaux.
Le bilan dans le camp islamiste n’est pas connu, ces derniers ne
soignent généralement pas leurs victimes dans les hôpitaux publics.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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