Le secrétaire d’Etat américain John Kerry poursuit lundi sa tournée
diplomatique au chevet de l’Irak, appelant à l’unité les dirigeants à
Bagdad tandis que les insurgés sunnites consolidaient leurs positions
dans l’ouest frontalier avec la Syrie.
M. Kerry effectue une mission diplomatique qui l’a mené en Egypte
dimanche, avant Amman, Bruxelles et Paris, et qui porte principalement
sur les efforts visant à convaincre le Premier ministre irakien Nouri
al-Maliki de former rapidement un gouvernement d’union nationale.
L’urgence se fait d’autant plus sentir que, sur le terrain, les insurgés
emmenés par les jihadistes ultra-radicaux de l’Etat islamique en Irak
et au Levant (EIIL) se sont emparés de trois villes de la province
occidentale d’Al-Anbar : Al-Qaïm, Rawa et Aana.
L’armée a affirmé dimanche qu’elle s’en était retirée pour des raisons
"tactiques" de "redéploiement", mais selon des témoins, les insurgés se
sont emparés dès samedi d’Al-Qaïm et de son poste-frontière avec la
Syrie.
Selon des officiers et des médecins, les insurgés ont abattu 21 responsables locaux entre samedi et dimanche à Rawa et Aana.
Dans cette province d’Al-Anbar, les insurgés sunnites tenaient déjà
depuis janvier la ville de Fallujah, à 60km à l’ouest de Bagdad, et des
secteurs de Ramadi.
Près de ce chef-lieu de la province, un double attentat dimanche a fait
six morts parmi les personnes venues présenter leurs condoléances à la
famille d’un officier de police tué vendredi dans les combats à Al-Qaïm.
Depuis le début de leur offensive le 9 juin, les insurgés ont mis la
main sur Mossoul, deuxième ville d’Irak, une grande partie de sa
province Ninive (nord), de Tikrit et d’autres secteurs des provinces de
Salaheddine (nord), Diyala (est) et Kirkouk (nord), et avancent
désormais à l’ouest.
L’EIIL, qui ambitionne de créer un Etat islamique à cheval entre les
deux pays, est également engagé dans la guerre en Syrie, où le groupe
est accusé de recruter des enfants-soldats par l’ONG Human Rights Watch.
Signe du lien étroit entre les deux conflits, des jihadistes de l’EIIL
ont pour la première fois utilisé dimanche des humvees américains pris à
l’armée irakienne dans des combats dans la province syrienne d’Alep
(nord), selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.
A Mossoul, comme dans la ville syrienne de Raqa, l’EIIL a imposé de
nouvelles règles — pas d’alcool, de drogue, de tabac ou de
rassemblements, femmes couvertes et cloîtrées chez elles... — et
commencé à établir un recensement, selon des habitants joints par
téléphone.
Mais les jihadistes ne sont pas forcément mal vus. "Ce sont des gens
convenables, ils traitent bien la population", explique ainsi Oum
Abdallah, une habitante de Mossoul ayant malgré tout fui la ville "parce
que le gouvernement nous bombarde et a coupé l’eau et l’électricité".
Après leur débandade aux premiers jours de l’offensive des insurgés, les
troupes gouvernementales tentent de reprendre du terrain. Dimanche,
elles ont mené des raids aériens sur Tikrit, où au moins sept personnes
ont été tuées, et sur Mossoul.
Face à l’offensive fulgurante des insurgés sunnites, les chefs religieux
chiites d’Irak ont appelé les citoyens à prendre les armes pour contrer
l’avancée de l’EIIL, qui a proclamé son intention de marcher sur Bagdad
et les villes saintes chiites de Kerbala et Najaf, au sud de la
capitale.
Sur le plan diplomatique, M. Kerry s’est rendu dimanche au Caire, d’où
il a appelé les dirigeants irakiens à dépasser les fractures
confessionnelles tout en affirmant que son pays n’était "pas
responsable" de la crise et ne cherchait pas à "choisir" un leader pour
l’Irak.
L’idéologie de l’EIIL "est une menace non seulement pour l’Irak mais
aussi pour la région tout entière (...). Nous sommes à un moment
critique où nous devons exhorter les dirigeants irakiens à dépasser les
considérations confessionnelles et à parler à tous", a-t-il lancé.
M. Kerry a poursuivi sa tournée dimanche soir à Amman, avant de
rejoindre Bruxelles et Paris. Les troupes américaines ont envahi l’Irak
en 2003 avant de s’en retirer en 2011.
Les Etats-Unis, qui ont promis d’envoyer 300 conseillers militaires pour
aider l’armée irakienne tout en excluant les frappes aériennes
réclamées par Bagdad, ne ménagent pas leurs critiques contre Maliki,
qu’ils ont pourtant longtemps soutenu, accusé de mener une politique
confessionnelle dans un pays au bord du chaos.
"C’est au peuple irakien de choisir ses dirigeants", a répété M. Kerry
au Caire, mais Washington aimerait le voir "se trouver une direction
prête à représenter tout le peuple irakien".
Dans une interview diffusée dimanche, le président américain Barack
Obama a mis en garde contre les dangers que l’avancée de l’EIIL
représentait pour la stabilité de l’ensemble de la région, estimant
qu’ils pouvaient "déborder sur des pays alliés comme la Jordanie".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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