Dimanche 8 juin, Abdel Fattah al-Sissi célébrait son investiture
place Tahrir, au Caire. Au même moment, sept hommes tentaient de violer
une femme et filmaient la scène. La vidéo, publiée sur YouTube, a mis la
population en émoi, lui rappelant brutalement que le harcèlement est un
problème quotidien pour les femmes égyptiennes.
Depuis son élection le 28 mai dernier, le président a pris le parti des
femmes. Il a fait adopter le 5 juin une loi faisant du harcèlement
sexuel des femmes un crime. Puis a lancé une campagne de sensibilisation
dans laquelle il s’est personnellement impliqué en se rendant dans un
hôpital du Caire, au chevet de femmes victimes de violences. Reste à
savoir si son entreprise sera suffisante dans un pays où 17 % des
agresseurs feraient partie des forces de police, selon un rapport des
Nations unies de 2013.
Mains baladeuses, mots insultants, regards lubriques, voici la réalité à
laquelle les femmes égyptiennes sont confrontées tous les jours. 99,3 %
d’entre elles avouaient avoir été harcelées sexuellement, dont 91 %
d’étudiantes et toutes affirment qu’elles se sentent menacées par leurs
compatriotes masculins. Une situation qui ne semble pas près d’évoluer
dans un pays où un tiers de la population a moins de 15 ans et 32 % des
agresseurs ont moins de 18 ans.
En Égypte, les ONG doutent de l’efficacité de la nouvelle loi. "Le
problème, c’est que la société ne voit pas ça comme un crime", déplore
Noora Flinkman, porte-parole de l’association HarassMap, qui lutte
contre le harcèlement sexuel en Égypte. La loi laisse notamment de côté
la question du viol, dans un pays où les femmes sont tenues pour
responsables de leurs agressions. "L’initiative est bonne, car on ne
pourra plus nier le caractère criminel du harcèlement sexuel. Mais elle
n’est pas suffisante. Un travail de sensibilisation supplémentaire est
nécessaire", conclut Noora Flinkman. La jeune femme rappelle aussi les
promesses des anciens gouvernements, toutes restées lettre morte.
"Parfois, après une agression très grave, le gouvernement dit qu’il va
prendre quelques initiatives, comme installer des caméras de
surveillance dans les lieux publics, mais c’est rarement suivi d’actions
concrètes."
Surtout, selon elle, Abdel Fattah al-Sissi n’a pas toujours été du côté
des femmes. Elle l’accuse notamment d’avoir, en tant que chef
d’état-major de l’armée, encouragé ses soldats à faire passer "des tests
médicaux aux femmes", pour s’assurer de leur virginité. "On ne peut pas
savoir à quel point il est sincère. Tout ce que je peux vous dire,
c’est que c’est un peu étrange qu’il ait changé d’avis de façon aussi
radicale en si peu de temps."
Depuis le lancement de cette campagne, le président Abdel Fattah
al-Sissi n’a plus fait de déclaration sur le harcèlement sexuel. En
revanche, certains hommes égyptiens interrogés dans des micro-trottoirs
ont pris position. Pour eux, cette loi ne peut qu’échouer puisque les
femmes égyptiennes "aiment se faire harceler".
(20-06-2014 - Par Claire Toureille)
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