(Le défenseur vedette de l’équipe irakienne Ali Adnan pose en compagnie d’un soldat irakien.)
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On le surnomme le "Gareth Bale de l’Asie". À 20 ans, l’Irakien Ali
Adnan connaît une ascension fulgurante. Cet arrière gauche au physique
de colosse a illuminé de son talent la dernière Coupe du monde de
football des moins de 20 ans, organisée en 2013 en Turquie. Rugueux en
défense, le latéral n’hésite pas à s’aventurer aux avant-postes, où il
brille par sa vitesse et sa frappe surpuissante. Véritable révélation du
Mondial turc, le joueur du Bagdad FC a conduit l’équipe d’Irak jusqu’en
demi-finale.
Ses performances de haute facture ont très vite suscité l’intérêt de
grands clubs étrangers parmi lesquels Arsenal, le FC Séville ou encore
Galatasaray. Mais c’est finalement le Çaykur Rizespor, club de première
division turque, qui met le grappin dessus. En moins d’un mois, le jeune
Irakien confirme tous les espoirs placés en lui. Dès septembre 2013,
Ali Adnan inscrit son premier but d’une frappe lointaine. Il récidive
deux semaines plus tard, d’un fabuleux coup franc de 35 mètres. Sa
première saison marque les esprits.
Avec 31 titularisations, 3 buts et 9 passes décisives, le défenseur
démontre toute l’étendue de son talent. Désigné entre-temps meilleur
espoir asiatique de l’année 2013, l’arrière gauche, désormais titulaire
indiscutable de l’équipe A d’Irak, frappe à la porte des plus grands
clubs européens. D’après la Gazzetta dello Sport, l’AS Roma, deuxième du
championnat italien 2014, songerait à s’attacher ses services.
Mais l’étoile montante du football irakien est stoppée en plein vol le
10 juin dernier, lorsque son pays est victime d’une offensive éclair de
djihadistes de l’État islamiste en Irak et au Levant (EIIL). En moins de
vingt-quatre heures, les combattants de l’EIIL, qui souhaitent rétablir
le califat au Moyen-Orient, s’emparent de plusieurs provinces sunnites
dans le nord et le centre de l’Irak. Surarmés grâce à des fonds en
provenance du Golfe, les djihadistes, en majorité des combattants
étrangers, infligent une véritable déroute à l’armée irakienne, dont de
nombreux soldats préfèrent déserter le champ de bataille. Face à
l’irrésistible offensive des djihadistes, qui se trouvent désormais aux
portes de Bagdad, le grand ayatollah Ali al-Sistani, la plus haute
autorité chiite d’Irak, appelle les chiites irakiens, majoritaires dans
le pays, à prendre les armes.
Alors que ses coéquipiers se prélassent devant les matches de la Coupe
du monde au Brésil, Ali Adnan s’émeut du sort de son pays, déjà miné par
les luttes confessionnelles, conséquence directe de l’intervention
américaine en 2003. Au diable la gloire et l’argent, la star irakienne
quitte les crampons et enfile un gilet pare-balle. Direction Bagdad.
D’après la Gazzetta dello Sport, Ali Adnan aurait gagné les rangs de
l’armée irakienne en lutte contre les djihadistes, qui contrôlent
désormais la moitié du territoire.
Véritable star dans son pays, le sportif reçoit un accueil des plus
chaleureux, soldats et chefs militaires se bousculant pour prendre un
cliché à ses côtés. Les photos se sont répandues comme une traînée de
poudre sur les réseaux sociaux, certains commentateurs dénonçant une
opération de com de l’armée irakienne. Pourtant, à en croire le
quotidien sportif italien, Ali Adnan ne serait pas rentré au pays pour
faire de la figuration, mais bien pour en découdre, armes à la main,
avec les redoutables combattants de l’EIIL. Interrogé par le quotidien
turc Hurriyet, un porte-parole de Çaykur Rizespor confirme pour sa part
que son joueur se trouve bien dans la capitale irakienne, mais
uniquement pour y passer des vacances en famille.
Quoi qu’il en soit, le séjour s’annonce long et sanglant. Passés maîtres
dans l’art de la guérilla, les djihadistes bénéficient de surcroît d’un
certain soutien dans les populations sunnites, totalement marginalisées
par l’autoritaire Premier ministre chiite Nouri al-Maliki depuis son
élection en 2006. Et leurs méthodes sont des plus sauvages. Considérant
les chiites comme des apostats, les combattants de l’EIIL ont annoncé
avoir exécuté au cours de leur offensive quelque 1 700 soldats chiites
irakiens. Grâce à la porosité de la frontière entre l’Irak et la Syrie,
de nombreux djihadistes anti-Bashar el-Assad sont venus renforcer les
rangs de l’organisation, créée à l’origine en 2004 en Irak.
Or, de l’autre côté de la frontière, en Syrie, un autre espoir du ballon
rond a lui aussi pris les armes, cette fois dans le camp des
djihadistes. Burak Karan, ancien joueur de l’équipe d’Allemagne des
moins de 17 ans, a rejoint la Syrie en 2011 pour combattre Bashar
el-Assad. Mais les deux joueurs n’auront pas l’occasion de s’affronter.
Burak Karan a été tué en novembre dernier, lors d’un raid aérien de
l’armée syrienne sur la ville d’Azaz. Il avait 23 ans.
(17-06-2014 - Armin Arefi)
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