Le président des États-Unis Barack Obama a annoncé jeudi l’envoi de
conseillers militaires en Irak pour soutenir les forces de sécurité face
aux djihadistes, appelant le Premier ministre, le chiite Nouri
al-Maliki, au dialogue avec toutes les communautés. Barack Obama, qui
s’exprimait depuis la Maison-Blanche, a souligné que Washington était
prêt à "une action militaire ciblée et précise si et quand (...) la
situation sur le terrain l’exige". Les États-Unis ont renforcé ces
derniers jours leurs vols de surveillance du territoire irakien, y
compris à l’aide de drones et de chasseurs F-18 décollant du
porte-avions George H. W. Bush, qui croise actuellement dans le Golfe.
Et le chef de la diplomatie américaine John Kerry devrait se rendre
"bientôt" en Irak, ont affirmé des sources parlementaires à Washington
sans donner plus de détail.
Sur le terrain, l’armée a affirmé avoir repris le contrôle total de la
principale raffinerie du pays à Baïji (200 kilomètres au nord de Bagdad)
après plus de 24 heures de combats, selon des responsables et des
témoins. Il s’agit d’un rare succès des forces armées après leur totale
déroute aux premiers jours de l’offensive lancée le 9 juin par les
insurgés menés par les djihadistes de l’État islamique en Irak et au
Levant (EIIL), qui ont réussi à prendre de larges parties de quatre
provinces et sont désormais à une centaine de kilomètres de Bagdad. Le
gouvernement irakien, qui a rappelé les officiers réservistes, a
officiellement demandé aux États-Unis de mener des frappes aériennes.
Les quelque 300 conseillers militaires américains, issus des forces
spéciales, auront pour mission d’"entraîner, assister et soutenir" les
forces irakiennes. Ces militaires qui pourraient également servir à
coordonner des frappes aériennes, devraient être déployés par petites
équipes de douze hommes auprès de l’état-major de l’armée irakienne dans
un premier temps, a affirmé un haut responsable américain sous le
couvert de l’anonymat. Leur déploiement devrait intervenir "très
bientôt", selon un autre responsable. Après huit ans de guerre en Irak
et près de 4 500 morts, "les forces américaines ne retourneront pas au
combat en Irak", a martelé Barack Obama. "Mais nous aiderons les
Irakiens dans leur combat contre les terroristes qui menacent le peuple
irakien, la région et les intérêts américains".
Washington est prêt à créer des "centres opérationnels conjoints", à
Bagdad et dans le nord de l’Irak, afin de partager les renseignements et
coordonner la planification des opérations contre les djihadistes de
l’EIIL. Barack Obama a précisé que toute décision d’action militaire se
ferait "en étroite consultation avec le Congrès, les dirigeants irakiens
et ceux de la région". Il a aussi annoncé l’envoi ce week-end de John
Kerry au Moyen-Orient et en Europe pour des consultations sur l’Irak,
appelant une nouvelle fois Nouri al-Maliki, honni par la minorité
sunnite qui l’accuse de la marginaliser, à relever le "défi" de
l’ouverture à toutes les communautés. Le gouvernement Maliki, au pouvoir
depuis 2006, est miné par les divisions confessionnelles et confronté à
des violences meurtrières depuis plus d’un an, alimentées par le
mécontentement de la minorité sunnite et la guerre en Syrie voisine où
l’EIIL est aussi actif.
L’EIIL a pris la deuxième ville d’Irak, Mossoul, une grande partie de sa
province Ninive (Nord), de Tikrit et d’autres secteurs des provinces de
Salaheddine (Nord), Diyala (Est) et Kirkouk (Nord). Des centaines de
milliers de personnes ont été déplacées avec l’avancée de l’EIIL qui
ambitionne de créer un État islamique, alors que des centaines de
personnes ont été tuées, selon des bilans non officiels et impossibles à
confirmer dans l’immédiat. En outre, une quarantaine de travailleurs
indiens ont été enlevés dans la région de Mossoul, où 80 Turcs sont
retenus par les djihadistes depuis la semaine dernière. Les djihadistes
se sont également emparés d’une ancienne usine de production d’armes
chimiques datant du régime de Saddam Hussein, a affirmé jeudi la
porte-parole du Département d’État américain. Selon Jen Psaki, ces
insurgés islamistes ne sont toutefois pas en mesure de produire des
armes chimiques opérationnelles, en raison de la vétusté et de
l’ancienneté des produits pouvant encore s’y trouver.
Plusieurs pays ont annoncé, dans ce contexte chaotique, l’évacuation de
certains de leurs diplomates d’Irak alors que des compagnies ont
transféré leurs employés étrangers vers Bagdad, où un plan sécuritaire a
été mis en place pour protéger d’un assaut djihadiste. La Chine, plus
gros investisseur du secteur pétrolier irakien, a ainsi annoncé
l’évacuation vers des régions plus sûres de certains salariés de ses
sociétés. L’avancée de l’EIIL fait craindre pour les investissements à
long terme dans l’industrie pétrolière du pays, deuxième plus gros
exportateur au cartel de l’Opep, selon le président du Conseil mondial
du pétrole, Renato Bertani.
Les États-Unis ont assuré que l’attaque contre la raffinerie de Baïji
n’avait pas d’impact sur les exportations de brut, mais que Bagdad
serait contraint d’importer temporairement des produits raffinés. La
crise irakienne a par ailleurs mis en lumière les divergences entre les
deux poids lourds de la région. La monarchie sunnite saoudienne a accusé
Nouri al-Maliki d’avoir conduit l’Irak au bord du gouffre par sa
politique d’exclusion des sunnites, mettant en garde contre une guerre
civile. En revanche, l’Iran chiite veut aider Nouri al-Maliki face aux
insurgés. Selon Barack Obama, l’Iran peut jouer un rôle "constructif"
dans la région. Cependant, a-t-il mis en garde, s’il "intervient
seulement militairement au nom des chiites (...), la situation va
probablement empirer".
(20-06-2014)
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