Un tribunal égyptien doit rendre lundi son verdict dans le procès de
journalistes et employés de la chaîne qatarie Al-Jazeera, dont quatre
étrangers, accusés de soutenir les Frères musulmans du président
destitué Mohamed Morsi.
En visite au Caire à la veille de ce verdict, le secrétaire d’Etat
américain John Kerry a appelé l’Egypte à préserver la liberté de la
presse, estimant que la transition post-Morsi était à "un moment
critique" alors que les 20 accusés dans cette affaire qui a provoqué un
tollé international, dont neuf sont en détention et 11 jugés par
contumace, risquent de 15 à 25 ans de prison, selon un avocat de la
défense.
Seize Egyptiens sont accusés d’appartenance à une "organisation
terroriste" -les Frères musulmans- et d’avoir cherché à "nuire à l’image
de l’Egypte" et quatre étrangers d’avoir diffusé "de fausses nouvelles"
en vue de soutenir la confrérie.
"Tout dans ce procès est une honte (...). Nous sommes traités plus mal
que si nous étions des violeurs et des assassins", a lancé lors de la
dernière audience début juin le journaliste égypto-canadien Mohamed
Fadel Fahmy.
M. Fahmy, chef du bureau d’Al-Jazeera avant que la chaîne ne soit
interdite en Egypte, son confrère australien Peter Greste et l’Egyptien
Baher Mohamed sont détenus depuis près de 160 jours.
"Nous réclamons que le tribunal leur inflige la peine maximale pour
punir les crimes abominables qu’ils ont commis, sans pitié ni
compassion", s’est exclamé le procureur, Mohamed Barakat, en requérant
contre les 20 accusés.
Les trois autres journalistes étrangers poursuivis - deux Britanniques
et une Néerlandaise - ont fui l’Egypte dès les premières arrestations.
"Les accusés n’ont rien fait pour ternir l’image de l’Egypte, c’est ce
procès (qui ternit) sa réputation", a argué l’un des avocats de la
défense, Yousri al-Sayyid.
"J’attends un acquittement. Les audiences prouvent que mon frère est
innocent", a affirmé à l’AFP Mike Greste, dont le frère avait auparavant
travaillé pour la BBC et reçu plusieurs prix prestigieux.
Ce verdict intervient dans un contexte de répression implacable et
sanglante des pro-Morsi et deux semaines après l’élection à la
présidence de l’ex-chef de l’armée Abdel Fattah al-Sissi avec 96,9% des
suffrages.
Ce maréchal à la retraite dirigeait déjà de facto le pays depuis qu’il a
destitué et fait arrêter M. Morsi le 3 juillet 2013 M. Morsi.
et policiers ont tué plus de 1.400 manifestants pro-Morsi, arrêté plus
de 15.000 personnes, dont des centaines ont été condamnées à mort ou à
la prison à perpétuité dans des procès expéditifs.
Alors qu’ils couvraient ces événements, MM. Greste et Fahmy avaient été
arrêtés le 29 décembre dans une chambre d’hôtel du Caire transformée en
bureau après une descente de police dans les locaux d’Al-Jazeera.
Les journalistes travaillaient sans l’accréditation obligatoire pour tous les médias.
Les accusés ont régulièrement dénoncé un procès "inique" et "politique"
et des preuves "totalement fabriquées". Ils sont soutenus dans le monde
entier et plusieurs médias ont lancé une campagne proclamant que "le
journalisme n’est pas un crime".
Lors des audiences, le parquet a présenté comme des "preuves" des
reportages de chaînes sans lien avec Al-Jazeera, des enregistrements
inaudibles et même des photos de famille de journalistes, visiblement
piochées au hasard dans leurs archives saisies.
L’Egypte considère Al-Jazeera comme le porte-voix du Qatar, auquel elle
reproche son soutien aux Frères musulmans alors que Doha dénonce
ouvertement la répression contre les pro-Morsi.
Lundi, "le monde entier surveillera l’Egypte pour voir dans quelle
estime elle tient la liberté de la presse", a prévenu la chaîne
satellitaire.
Il y a près d’une semaine, un journaliste de l’antenne arabophone
d’Al-Jazeera, Abdallah ElShamy, a en revanche été libéré pour raisons de
santé, après près de cinq mois de grève de la faim pour dénoncer sa
détention.
(23-06-2014)
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