Le bazar d’Alep incendié, un minaret de la Mosquée des Omeyyades
abattu : "Syrie, splendeur et drame" est une exposition coup de poing,
présentée à Rome jusqu’à fin août pour sensibiliser l’opinion italienne
et internationale au risque d’une disparition du patrimoine culturel du
pays.
Pas de foisonnement d’oeuvres plus spectaculaires les unes que les
autres. L’exposition organisée par la surintendance au patrimoine
artistique, l’ex-maire de Rome Francesco Rutelli et l’archéologue Paolo
Matthiae, découvreur de la cité d’Ebla (en 1964) se concentre sur une
vingtaine de pièces venant de collections romaines.
Syrie, histoire universelle
On y trouve des copies des fameuses tablettes d’argile d’Ebla (datant de
2400/2300 avant JC) témoignage de l’invention du premier alphabet, le
moule d’une partie de la colonne de Trajan -le forum et les marchés
ayant été bâtis par l’architecte syrien Apollodore- ou des bustes de
Syriens, membres de familles impériales romaines.
"Nombre de papes et empereurs de Rome étaient syriens, cela montre
l’universalité de cette culture vieille de 5000 ans, l’alphabet a été
créé en Syrie. C’est la responsabilité du monde de préserver une chose
qui appartient au monde entier", a expliqué à l’AFP M. Rutelli,
également ancien ministre de la Culture.
Selon lui, "bien sûr qu’il y a la question humanitaire, les 150 000
morts et les millions de réfugiés mais la tragédie du patrimoine syrien
ne peut pas être oubliée".
Une salle frappe particulièrement le visiteur, celle des destructions récentes dans les villes d’Homs et Alep notamment.
Dans un montage serré, rythmé par une émouvante colonne sonore d’Ennio
Morricone, on voit la Syrie en période de paix puis tout à coup, une
bombe, des cris, des tirs d’artillerie. Une petite fille chante
gaiement. Deux minutes plus tard elle disparaît dans le fracas d’obus de
mortier. D’autres images montrent des minarets abattus, des soldats
envahissant un site archéologique.
"Nous voulons sensibiliser l’opinion italienne, européenne et mondiale
au grave danger que court le patrimoine culturel syrien avec la guerre
civile en cours", a détaillé à l’AFP l’archéologue Matthiae, en disant
avoir eu des contacts et avoir "bon espoir" que l’initiative de Rome
fera des émules, en particulier à Paris et Berlin.
10 000 sites et musées menacés
Le patrimoine de la Syrie est "l’un des plus importants au monde, au
même titre que ceux de l’Egypte et de l’Irak", avec plus de 10 000
monuments, sites et musées, a souligné M. Matthiae en relevant que
l’objectif de l’exposition et de la campagne de sensibilisation qu’il a
lancée en février dernier avec le sénateur Rutelli est "d’éviter des
destructions" aussi graves que celles des Bouddhas géants de Bamiyan en
Afghanistan en mars 2001 ou le pillage du musée archéologique de Bagdad
en avril 2003.
"Nous Européens étions convaincus que nous n’aurions plus jamais vu des
(destructions massives de monuments comme à, ndlr) Dresde, Monte Cassino
ou Conventry mais les printemps arabes nous ont démontré le contraire",
a déploré l’archéologue, professeur à la prestigieuse université
Sapienza de Rome.
Pillages et fouilles sauvages
Selon MM. Rutelli et Matthiae, à côté de l’Unesco déjà engagée avec un
budget de 2,5 millions d’euros, la communauté internationale doit se
mobiliser pour empêcher l’utilisation des sites par les forces armées,
payer des gardiens pour les surveiller, empêcher les fouilles
clandestines, les pillages et le trafic d’oeuvres antiques.
Il faut aussi "projeter l’avenir", a souligné M. Rutelli : "tous ces
gens qui quittent la Syrie, quand ils vont revenir, leur espoir sera
confié à la culture, au tourisme, ils ne pourront pas vivre sans leur
patrimoine".
Mais pour le moment, la réponse des responsables politiques est très
timide : "l’Union européenne a eu de bonnes paroles, a montré de la
compréhension mais les gouvernements sont divisés et n’ont pas de
stratégie unique vis-à-vis de la Syrie et de son patrimoine culturel", a
déploré M. Rutelli.
Pour sensibiliser encore plus les opinions publiques, un prix (de 10 000
euros) appelé Cultural Heritage Rescue Prize sera décerné le 25 octobre
à Venise par un jury international pour distinguer "un courageux qui
s’est battu pour sauver le patrimoine culturel syrien", ont annoncé
MM. Rutelli et Matthiae.
(21-06-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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