vendredi 13 juin 2014

Irak : Les Américains contraints de remettre le doigt en Irak

Les États-Unis sont contraints de remettre le doigt en Irak, deux ans et demi après leur retrait militaire, accusés d’avoir manqué de stratégie en Syrie voisine, terreau de la fulgurante offensive d’ultra-djihadistes marchant sur Bagdad. Les Américains, pris de court par la rapidité et l’intensité de l’avancée des combattants de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), n’ont dorénavant pas d’autre choix que de renforcer leur appui à une armée irakienne en déroute et pour laquelle ils ont déjà englouti 25 milliards de dollars d’aide en dix ans. Très réticent à intervenir militairement sur des théâtres extérieurs, le président Barack Obama a affirmé qu’il étudiait "toutes les options" en Irak, une formule très générale maintes fois utilisée pour la Syrie ou pour l’Iran. Son gouvernement a aussitôt précisé que l’envoi de troupes au sol était exclu, après le départ du dernier soldat américain d’Irak le 31 décembre 2011 au terme d’un très lourd engagement militaire pendant huit ans.
Mais d’autres possibilités s’offrent à Washington, soulignent des analystes : d’éventuelles frappes aériennes, l’accélération de la livraison d’armements et l’intensification de la formation des forces armées irakiennes. De fait, résume le général en retraite Paul Eaton, "ce que les armées occidentales font de mieux, c’est d’apprendre aux autres à se battre". Aux yeux de ce consultant du National Security Network de Washington, "l’option la moins problématique pour le président américain est de proposer des conseillers militaires qui aident l’armée irakienne à faire mieux avec ce qu’elle a". Son collègue Faysal Itani, de la fondation Atlantic Council, prédit aussi une "réponse limitée des États-Unis, accordant au gouvernement irakien certaines demandes d’aide militaire". Le département d’État s’est contenté de promettre "une assistance militaire supplémentaire".
Washington a déjà vendu pour 14 milliards de dollars d’équipements à l’armée irakienne. En janvier, les États-Unis ont vendu 24 hélicoptères d’attaque Apache ainsi que des centaines de missiles antichar Hellfire, et les deux premiers des 36 chasseurs-bombardiers F-16 achetés par l’Irak devraient être livrés à l’automne. Le 13 mai, le Pentagone a notifié le Congrès du projet de vente de 200 véhicules Humvees équipés de mitrailleuses pour 101 millions de dollars et de 24 avions à hélice d’attaque au sol AT-6 Texan II pour 790 millions de dollars. Le Congrès a jusqu’à vendredi pour soulever ses objections, faute de quoi le contrat sera conclu. "L’autre option serait de fournir un appui aérien par des drones ou des avions ; mais il y a un coût politique à cela : la mauvaise image de l’Amérique bombardant des Arabes", analyse Paul Eaton, qui a servi en Irak au début de l’invasion en 2003. Et l’administration américaine a refusé de commenter les allégations selon lesquelles Bagdad aurait donné son feu vert à Washington pour des frappes aériennes contre les djihadistes de l’EIIL, dont beaucoup se sont aguerris en Syrie.
C’est justement sur le conflit syrien et l’absence présumée de stratégie américaine dans la région que le président Obama s’est attiré les foudres des républicains. John Boehner, président de la Chambre des représentants, a brocardé "l’échec de la politique américaine en Syrie, en Libye et en Égypte, et l’absence de stratégie plus large pour le Moyen-Orient (qui) a un impact direct sur la situation en Irak". Les "terroristes" sont "à 100 miles de Bagdad, et que fait le président ? Il fait la sieste", a-t-il lancé. Le sénateur John McCain a même réclamé le départ de l’équipe de sécurité nationale du président Obama, visant sa conseillère Susan Rice et le secrétaire d’État John Kerry. "Nous n’avons pas eu de stratégie régionale de sécurité nationale pour gérer ce qui se passe en Syrie, en Irak, en Jordanie", renchérit le général Eaton, dénonçant lui aussi un "échec" des États-Unis en Syrie qui aurait "contribué" au succès de l’EIIL en Irak. Le département d’État a lui-même reconnu que "l’impact de la crise en Syrie et son débordement en Irak ont clairement été un facteur majeur" de l’offensive des djihadistes radicaux. Le politologue Christopher Chivvis, du centre d’études Rand, voit même dans l’insurrection en Irak le résultat d’un "choc exogène, qui est clairement le Printemps arabe" de 2011. "Sans le Printemps arabe, il est bien moins probable que l’on ait assisté à cette détérioration en Irak", pense-t-il.

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