Les combattants jihadistes avançaient jeudi vers la capitale Bagdad
après s’être emparés de larges territoires du nord-ouest de l’Irak face à
une armée en déroute, les Etats-Unis n’excluant aucune option pour
enrayer l’offensive.
Craignant un assaut contre Kirkouk, les forces kurdes en ont profité
pour prendre le contrôle total de cette ville pétrolière que se
disputent depuis des années la région autonome du Kurdistan et le
gouvernement central.
Face à la tourmente dans laquelle est plongé le pays depuis la prise
mardi de la deuxième ville d’Irak, Mossoul, de sa province Ninive, et de
régions des provinces voisines de Kirkouk et Salaheddine, le président
américain Barack Obama a affirmé que son équipe de sécurité nationale
étudiait "toutes les options".
"Nous travaillons sans relâche pour identifier comment (...) fournir
l’aide la plus efficace (aux autorités irakiennes). Je n’exclus rien",
a-t-il ajouté, sans autres précisions.
Si la Maison Blanche a réaffirmé que l’envoi de troupes au sol n’était
pas envisagé, un responsable américain a fait état de possibles frappes
menées par des drones.
A l’issue d’une réunion à huis clos, au cours de laquelle ils ont
notamment entendu un état des lieux de la situation par l’envoyé spécial
des Nations unies en Irak, Nickolay Mladenov, s’exprimant par
vidéo-conférence, les 15 membres du Conseil de sécurité ont condamné
jeudi tous les actes de terrorisme commis en Irak, où des combattants
jihadistes continuent d’avancer vers Bagdad, et appelé à un dialogue
urgent dans le pays entre toutes les parties.
A Londres, le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a
admis que les forces de sécurité s’étaient "effondrées" à Mossoul. Mais
maintenant, "nous essayons (...) de bouter ces terroristes hors de nos
villes principales", a-t-il indiqué.
L’armée a d’ailleurs lancé des raids aériens sur Tikrit, le chef-lieu de
Salaheddine tombé mercredi entre les mains des jihadistes, selon des
témoins.
Dans un enregistrement sonore mercredi, l’un des dirigeants de l’EIIL,
Abu Mohammed al-Adnani, avait appelé les insurgés à "marcher sur
Bagdad". Jeudi, ils étaient à 90 km au nord de la capitale, après s’être
emparés de Dhuluwiya, selon un policier et des habitants.
A Bagdad, l’appréhension régnait. "La population se sent livrée à
elle-même, sans protection", s’est inquiété Abou Alaa, un verrier de 54
ans.
L’EIIL a d’ailleurs revendiqué sur Twitter les attentats anti-chiites
qui ont fait mercredi plus de 30 morts à Bagdad et annoncé une nouvelle
vague d’attaques.
Des insurgés se sont en outre emparés de deux secteurs de la province de
Diyala, au nord-est de Bagdad, après le retrait des forces de sécurité,
selon des officiers.
Face à la débandade de l’armée, que les autorités ne sont pas parvenue à
réellement reconstruire après la dissolution de celle de Saddam Hussein
en 2003, le Premier ministre Nouri al-Maliki a appelé "toutes les
tribus à former des unités de volontaires" pour combattre avec ses
forces les insurgés.
Illustrant la crise politique qui paralyse le pays depuis des mois, la
session du Parlement qui devait se réunir pour décréter l’état d’urgence
a été annulée, faute de quorum.
Outre des territoires du nord, l’EIIL, considéré comme l’un des groupes
"les plus dangereux au monde" par Washington, contrôle déjà des régions
de la province occidentale d’Al-Anbar depuis janvier. A Mossoul, les
jihadistes continuaient de détenir une cinquantaine de citoyens turcs
pris en otages au consulat, de même que 31 chauffeurs turcs. Environ un
demi-million d’habitants de Mossoul ont fui leurs foyers, craignant pour
leur vie.
A Kirkouk, c’est la première fois que les forces kurdes contrôlent
totalement cette ville pluriethnique où la sécurité est habituellement
assurée par une force de police conjointe formée d’éléments arabes,
kurdes et turcomans. En plus de Kirkouk, elles ont pris le contrôle des
autres territoires disputés avec Bagdad, selon un responsable des
Peshmergas.
Toujours dans cette province, le ministre kurde chargé des Peshmergas,
Jaafar Moustafa, a échappé à un attentat qui a fait un mort, et un
photographe a été tué dans des combats entre Peshmergas et jihadistes.
Au nord de Bagdad, des sociétés américaines travaillant pour le
gouvernement irakien dans le secteur de la Défense ont par ailleurs fait
évacuer leurs employés américains de la base aérienne de Balad vers la
capitale irakienne, face à la détérioration de la sécurité dans le pays,
a indiqué jeudi le département d’Etat américain.
La base aérienne de Balad avait été remise sous contrôle irakien début
novembre 2011, deux mois avant le retrait militaire complet des
Etats-Unis d’Irak. Elle était la seconde plus grande base aérienne
américaine en Irak, abritant jusqu’à 36 000 employés, et l’un des
aéroports les plus actifs de la planète.
Pour la Russie, les derniers développements illustrent "l’échec total"
de l’intervention en 2003 des Etats-Unis qui ont retiré leurs troupes
d’Irak fin 2011.
L’EIIL, qui compte de nombreux combattants étrangers selon des
analystes, reçoit l’appui de tribus anti-gouvernementales et jouit d’un
certain soutien parmi la minorité sunnite qui s’estime marginalisée et
persécutée par le pouvoir chiite.
Selon Riad Kahwaji, directeur de l’Institute for Near East and Gulf
Military Analysis, au moins 10 000 à 15.000 jihadistes sont présents
dans le nord de l’Irak.
L’EIIL s’est infiltré, via la frontière très poreuse, en Syrie où il
tient de larges secteurs de la province de Deir Ezzor (nord-est). Il y
combat aujourd’hui d’autres groupes rebelles qui l’accusent de multiples
exactions.
Dans ce contexte d’escalade, les prix du pétrole coté à New York ont
bondi de plus de deux dollars, dans le sillage des cours du Brent.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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