vendredi 13 juin 2014

Irak : les jihadistes avancent vers Bagdad sur trois axes

Les jihadistes progressaient vendredi sur trois axes vers Bagdad après avoir renforcé leur emprise sur les territoires conquis dans une offensive fulgurante qui a poussé les Etats-Unis à envisager une intervention et des compagnies américaines à évacuer leurs employés.
Les combattants du groupe radical sunnite de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui sont à moins de 100 km de Bagdad, avançaient vers une capitale irakienne aux rues quasi-désertes et commerces fermés, à partir de la province d’Al-Anbar à l’ouest, de celle de Salaheddine au nord et de celle de Diyala à l’est.
Avec la débandade des forces armées qui ont abandonné leurs postes, des milliers de jihadistes ont réussi à prendre depuis mardi Mossoul et sa province Ninive (nord), Tikrit et d’autres régions de la province de Salaheddine, ainsi que des secteurs des provinces de Diyala (est) et de Kirkouk (nord). Ils contrôlent depuis janvier Fallujah à 60 km à l’ouest de Bagdad.
Des affrontements avaient lieu le matin entre l’armée et des insurgés qui, après leur entrée dans Diyala, cherchaient à prendre son chef-lieu Baquba, à 60 km de Bagdad, selon des responsables.
Face à l’impuissance du pouvoir dominé par les chiites et de son armée à enrayer l’avancée jihadiste, le président américain Barack Obama a dit que son équipe de sécurité nationale étudiait "toutes les options", tout en excluant des troupes au sol. Un responsable américain a parlé de possibles frappes menées par des drones.
Le chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari a admis que les forces de sécurité s’étaient "effondrées" notamment à Mossoul.
Au pouvoir depuis 2006, le Premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite honni par les rebelles sunnites et dénoncé comme un autocrate par ses détracteurs sunnites et même chiites, a appelé les tribus "à former des unités de volontaires" pour venir en aide à ses forces.
Son gouvernement est miné par les divisions confessionnelles et la minorité sunnite l’accuse de la persécuter. D’ailleurs, les jihadistes de l’EIIL ont trouvé un certain soutien parmi la population sunnite dans les régions conquises.
Dans un enregistrement sonore mercredi, l’un des dirigeants de l’EIIL, Abu Mohammed al-Adnani, a appelé les insurgés à "marcher sur Bagdad", alors que son groupe continue de mener parallèlement des attentats meurtriers. Dans la capitale, les habitants étaient angoissés face à l’avancée de l’EIIL, considéré comme l’un des groupes "les plus dangereux au monde" par Washington.
"La population se sent livrée à elle-même, sans protection", s’est inquiété Abu Alaa, un verrier de 54 ans. "Les gens sortent peu car ils ont peur. Les rebelles sont aux portes de Bagdad, et peuvent arriver soudainement", dit Zeid, un journaliste.
Au nord de Bagdad, des sociétés américaines travaillant pour le gouvernement irakien dans le secteur de la Défense ont fait évacuer leurs employés américains de la base aérienne de Balad dans la province de Diyala vers la capitale irakienne, selon le département d’Etat.
Dans la deuxième ville du pays, Mossoul, les jihadistes continuaient de détenir une cinquantaine de citoyens turcs pris en otages au consulat, de même que 31 chauffeurs turcs.
Craignant pour leur vie, environ un demi-million d’habitants de Mossoul ont fui leurs foyers.
Plus au sud, à Kirkouk, c’est la première fois que les forces kurdes contrôlent totalement cette ville pluriethnique qu’ils ont promis de défendre face à l’assaut jihadiste après le retrait de l’armée.
Après avoir entendu un état des lieux par l’envoyé spécial de l’ONU en Irak, Nickolay Mladenov, via vidéo-conférence, le Conseil de sécurité a condamné les "actes de terrorisme" en Irak et appelé au dialogue entre forces politiques.
Pour la Russie, les développements illustrent "l’échec total" de l’invasion en 2003 des Etats-Unis qui ont retiré leurs troupes d’Irak fin 2011. L’EIIL compte notamment de nombreux combattants étrangers ainsi que d’ex-cadres et membres des services de sécurité du président Saddam Hussein, renversé après l’invasion américaine, selon des experts militaires.
Selon Riad Kahwaji, directeur de l’Institute for Near East and Gulf Military Analysis, au moins 10 000 à 15 000 jihadistes sont présents dans le nord irakien.
Basé dans l’ouest irakien, l’EIIL, qui a été désavoué par le réseau Al-Qaïda, s’est infiltré, via la frontière très poreuse, en Syrie où il tient de larges secteurs de la province de Deir Ezzor (nord-est). Il y combat aujourd’hui d’autres groupes rebelles qui l’accusent d’exactions.
Dans ce contexte d’escalade qui fait craindre des perturbations dans l’offre de ce grand pays producteur, les cours du pétrole continuaient de grimper en Asie.

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