Les jihadistes progressaient vendredi sur trois axes vers Bagdad après
avoir renforcé leur emprise sur les territoires conquis dans une
offensive fulgurante qui a poussé les Etats-Unis à envisager une
intervention et des compagnies américaines à évacuer leurs employés.
Les combattants du groupe radical sunnite de l’Etat islamique en Irak et
au Levant (EIIL), qui sont à moins de 100 km de Bagdad, avançaient vers
une capitale irakienne aux rues quasi-désertes et commerces fermés, à
partir de la province d’Al-Anbar à l’ouest, de celle de Salaheddine au
nord et de celle de Diyala à l’est.
Avec la débandade des forces armées qui ont abandonné leurs postes, des
milliers de jihadistes ont réussi à prendre depuis mardi Mossoul et sa
province Ninive (nord), Tikrit et d’autres régions de la province de
Salaheddine, ainsi que des secteurs des provinces de Diyala (est) et de
Kirkouk (nord). Ils contrôlent depuis janvier Fallujah à 60 km à l’ouest
de Bagdad.
Des affrontements avaient lieu le matin entre l’armée et des insurgés
qui, après leur entrée dans Diyala, cherchaient à prendre son chef-lieu
Baquba, à 60 km de Bagdad, selon des responsables.
Face à l’impuissance du pouvoir dominé par les chiites et de son armée à
enrayer l’avancée jihadiste, le président américain Barack Obama a dit
que son équipe de sécurité nationale étudiait "toutes les options", tout
en excluant des troupes au sol. Un responsable américain a parlé de
possibles frappes menées par des drones.
Le chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari a admis que les forces de sécurité s’étaient "effondrées" notamment à Mossoul.
Au pouvoir depuis 2006, le Premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite
honni par les rebelles sunnites et dénoncé comme un autocrate par ses
détracteurs sunnites et même chiites, a appelé les tribus "à former des
unités de volontaires" pour venir en aide à ses forces.
Son gouvernement est miné par les divisions confessionnelles et la
minorité sunnite l’accuse de la persécuter. D’ailleurs, les jihadistes
de l’EIIL ont trouvé un certain soutien parmi la population sunnite dans
les régions conquises.
Dans un enregistrement sonore mercredi, l’un des dirigeants de l’EIIL,
Abu Mohammed al-Adnani, a appelé les insurgés à "marcher sur Bagdad",
alors que son groupe continue de mener parallèlement des attentats
meurtriers.
Dans la capitale, les habitants étaient angoissés face à l’avancée de
l’EIIL, considéré comme l’un des groupes "les plus dangereux au monde"
par Washington.
"La population se sent livrée à elle-même, sans protection", s’est
inquiété Abu Alaa, un verrier de 54 ans. "Les gens sortent peu car ils
ont peur. Les rebelles sont aux portes de Bagdad, et peuvent arriver
soudainement", dit Zeid, un journaliste.
Au nord de Bagdad, des sociétés américaines travaillant pour le
gouvernement irakien dans le secteur de la Défense ont fait évacuer
leurs employés américains de la base aérienne de Balad dans la province
de Diyala vers la capitale irakienne, selon le département d’Etat.
Dans la deuxième ville du pays, Mossoul, les jihadistes continuaient de
détenir une cinquantaine de citoyens turcs pris en otages au consulat,
de même que 31 chauffeurs turcs.
Craignant pour leur vie, environ un demi-million d’habitants de Mossoul ont fui leurs foyers.
Plus au sud, à Kirkouk, c’est la première fois que les forces kurdes
contrôlent totalement cette ville pluriethnique qu’ils ont promis de
défendre face à l’assaut jihadiste après le retrait de l’armée.
Après avoir entendu un état des lieux par l’envoyé spécial de l’ONU en
Irak, Nickolay Mladenov, via vidéo-conférence, le Conseil de sécurité a
condamné les "actes de terrorisme" en Irak et appelé au dialogue entre
forces politiques.
Pour la Russie, les développements illustrent "l’échec total" de
l’invasion en 2003 des Etats-Unis qui ont retiré leurs troupes d’Irak
fin 2011.
L’EIIL compte notamment de nombreux combattants étrangers ainsi que
d’ex-cadres et membres des services de sécurité du président Saddam
Hussein, renversé après l’invasion américaine, selon des experts
militaires.
Selon Riad Kahwaji, directeur de l’Institute for Near East and Gulf
Military Analysis, au moins 10 000 à 15 000 jihadistes sont présents
dans le nord irakien.
Basé dans l’ouest irakien, l’EIIL, qui a été désavoué par le réseau
Al-Qaïda, s’est infiltré, via la frontière très poreuse, en Syrie où il
tient de larges secteurs de la province de Deir Ezzor (nord-est). Il y
combat aujourd’hui d’autres groupes rebelles qui l’accusent d’exactions.
Dans ce contexte d’escalade qui fait craindre des perturbations dans
l’offre de ce grand pays producteur, les cours du pétrole continuaient
de grimper en Asie.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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