Les jihadistes progressaient vendredi sur trois axes vers Bagdad après
avoir renforcé leur emprise sur les territoires conquis dans une
offensive fulgurante marquée selon l’ONU par des "exécutions sommaires"
et qui a poussé les Etats-Unis à envisager une intervention.
L’influent grand ayatollah Ali Al-Sistani, la plus haute autorité
religieuse chiite du pays, a appelé les Irakiens à prendre les armes
contre les combattants aguerris du groupe radical sunnite de l’Etat
islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Le gouvernement a annoncé de son côté la mise en place d’un plan de
sécurité pour défendre Bagdad, incluant un déploiement massif de forces
de sécurité et un renforcement du renseignement, tout en soulignant que
les civils s’étaient portés volontaires pour aider à protéger la
capitale.
Présents à moins de 100 km de Bagdad, les jihadistes avançaient vers une
capitale aux rues quasi-désertes et commerces fermés, à partir de la
province d’Al-Anbar à l’ouest, de celle de Salaheddine au nord et de
celle de Diyala à l’est.
Avec la débandade des forces armées, des milliers de jihadistes ont
réussi à prendre depuis mardi Mossoul et sa province Ninive (nord),
Tikrit et d’autres régions de la province de Salaheddine, ainsi que des
secteurs des provinces de Diyala (est) et de Kirkouk (nord). Ils
contrôlent depuis janvier Fallujah à 60 km à l’ouest de Bagdad.
Après l’entrée des jihadistes dans Diyala, l’armée tentait de les
empêcher d’avancer jusqu’à son chef-lieu Baquba, à 60 km de Bagdad,
selon des responsables.
D’autres témoins ont fait état de renforts rebelles aux alentours de
Samarra (110 km au nord de Bagdad), ville natale d’Abou Bakr
al-Baghdadi, le leader de l’EIIL, des préparatifs semblant augurer d’un
possible assaut.
Désavoué par le réseau Al-Qaïda, l’EIIL, qui gravite à la frontière
irako-syrienne et ambitionne d’y créer un Etat islamique, est accusé
d’exactions- rapts et exécutions- en Syrie voisine, pays en guerre entre
rebelles et régime.
D’ailleurs, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Mme Navi
Pillay, a exprimé sa "vive inquiétude" au sujet "d’informations sur des
exécutions sommaires et extrajudiciaires (...) et le déplacement massif
d’un demi-million supplémentaire de personnes" après l’offensive
jihadiste.
L’ONU a reçu des informations selon lesquelles des "soldats irakiens ont
été sommairement exécutés durant la prise de Mossoul, ainsi que 17
civils travaillant pour la police dans une rue de la ville le 11 juin".
Face à l’impuissance du pouvoir dominé par les chiites et de son armée à
enrayer l’avancée de l’EIIL, le président américain Barack Obama a dit
que son équipe de sécurité nationale étudiait "toutes les options", tout
en excluant des troupes au sol. Un responsable américain a parlé de
possibles frappes menées par des drones.
Le chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari a admis que les forces
armées s’étaient "effondrées" notamment à Mossoul, alors que l’armée
est minée, à l’image du gouvernement, par les dissensions
confessionnelles, et ses membres, notamment les officiers, sont accusés
de corruption.
Au pouvoir depuis 2006, le Premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite
honni par les rebelles sunnites et dénoncé comme un autocrate par ses
détracteurs sunnites et même chiites, a appelé les tribus "à former des
unités de volontaires" pour venir en aide à ses forces.
Son gouvernement est paralysé par les divergences entre forces
politiques et la minorité sunnite qui l’accuse de la persécuter.
D’ailleurs, les jihadistes de l’EIIL ont trouvé un certain soutien parmi
la population sunnite dans les régions conquises.
Alors que l’un des dirigeants de l’EIIL, Abu Mohammed al-Adnani, a
appelé à "marcher sur Bagdad", les habitants de la capitale étaient
angoissés face un assaut de ce groupe qualifié de l’un des "plus
dangereux au monde" par Washington.
"Les gens sortent peu car ils ont peur. Les rebelles sont aux portes de
Bagdad, et peuvent arriver soudainement", dit Zeid, un journaliste.
Des sociétés américaines travaillant pour le gouvernement irakien dans
le secteur de la Défense ont fait évacuer leurs employés américains de
la base aérienne de Balad dans la province de Diyala vers Bagdad.
Dans la deuxième ville du pays, Mossoul, les jihadistes continuaient de
détenir une cinquantaine de citoyens turcs pris en otages au consulat,
de même que 31 chauffeurs turcs.
Craignant pour leur vie, environ un demi-million d’habitants de Mossoul avaient fui leurs foyers en début de semaine.
L’EIIL compte notamment d’ex-cadres et membres des services de sécurité
du président Saddam Hussein, renversé après l’invasion américaine, selon
des experts militaires.
Basé dans l’ouest irakien, l’EIIL s’est infiltré, via la frontière très
poreuse, en Syrie où il tient de larges secteurs frontaliers.
L’escalade ne devrait pas néanmoins pour l’instant davantage
compromettre la production pétrolière de l’Irak, grand pays producteur,
même si les craintes qu’elle suscite font grimper les cours de l’or
noir.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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