"Mon plus beau cadeau de Noël serait de revenir à Maaloula", murmure
Hneiné Taalab, la cinquantaine, qui a fui début septembre la célèbre
localité chrétienne de Syrie après l’entrée des jihadistes.
Dans l’église Saint Joseph à Doueilaa, un quartier populaire de l’est de
Damas, elle peine à retenir ses larmes. "J’avais une fille et trois
garçons, mais j’ai perdu l’un d’eux".
Selon elle, les jihadistes du Front al-Nosra -qui combattent au côté des
rebelles et se sont emparés de la ville le 8 septembre après 4 jours
d’affrontements- ont assassiné son fils Sarkis Zakhem, 20 ans.
"Outre Sarkis, Al-Nosra a tué mon frère et mon cousin parce qu’ils ont
refusé de se convertir à l’islam", assure cette femme qui a trouvé
refuge avec sa famille dans un couvent à Damas.
Maaloula est la plus célèbre localité chrétienne de Syrie et un des
berceaux du christianisme. La majorité de ses habitants parlent encore
l’araméen, la langue du Christ.
Cette bourgade, majoritairement chrétienne, doit sa renommée à ses
refuges troglodytiques datant des premiers siècles du christianisme. Sa
population peut monter jusqu’à 4500 habitants pendant la période
estivale.
A l’approche des fêtes, par une journée glaciale à Damas dans l’église
sans chauffage, le Patriarche grec catholique Gregorios Laham III
distribue des cadeaux -quelques billets dans une enveloppe- aux enfants
de Maaloula et aux "familles des martyrs".
Mais les visages sont fermés. Tout semble dérisoire face aux terribles épreuves subies.
"Nous voulons rentrer à Maaloula, quand elle sera libérée", dit Jessica, 7 ans, emmitouflée dans son anorak rose.
"Ni sapin, ni crèche"
Rima Hilal, 48 ans, n’a pas le coeur à la fête. Elle affirme avoir fui
Maaloula "à cause des hommes armés". Après en avoir été rapidement
chassés, les rebelles ont repris, le 2 décembre, la totalité de la ville
chrétienne.
"Noël à Maaloula, c’était un moment de bonheur. Nous décorions le sapin,
les parents et les amis se retrouvaient et ensemble nous allions à la
messe de minuit", raconte sa fille Juliana, 22 ans.
"Cette année, nous irons bien sûr à la messe, mais il n’y aura ni sapin, ni crèche. Nous sommes des réfugiés", dit-elle.
Depuis mars 2011, le conflit en Syrie a fait près de 3 millions de réfugiés et 4 millions de déplacés.
Pour Noël, "Maaloula se parait d’habits de fêtes. Les familles se
réunissaient autour des sapins décorés, des guirlandes étaient
accrochées aux balcons", raconte Najat Fadel, directrice de l’école
Saint Joseph à Maaloula.
"Mais aujourd’hui rien de tout cela. Même s’il y a quelques festivités, ce sera un Noël sombre", regrette-t-elle.
Dans sa courte messe, le Patriarche Laham prie pour "le retour de
l’amour et l’espérance" dans le pays déchiré par bientôt trois ans d’une
guerre qui a fait plus de 126 000 morts. Le conflit a débuté par une
révolte contre le régime de Bashar al-Assad avant de se transformer en
guerre civile face à la répression sanglante des manifestations.
"Le drame est horrible. Nous sommes tous menacés, chrétiens et musulmans", explique le patriarche à l’AFP.
Les chrétiens en Syrie représentent 5% de la population, soit environ un
million de personnes. Selon le dignitaire, 450 000 ont été déplacés par
le conflit, 60 églises ont été détruites et les habitants de 24
villages chrétiens contraints de fuir.
Le Patriarche affirme ignorer le sort de douze religieuses orthodoxes
emmenées début décembre de leur couvent à Maaloula par un groupe armé.
De plus, deux évêques orthodoxes et plusieurs prêtres dont le jésuite
italien Paolo Dall’Oglio ont été enlevés en 2013 et leur sort est
incertain.
Selon le Patriarche Laham, près de 1200 chrétiens ont été tués. Les
rebelles -de confession sunnite- estiment que cette minorité s’est
rangée du côté du régime de Bashar al-Assad -issu de la minorité
alaouite, une branche de l’islam chiite.
Fin octobre, selon Human Right Watch, à Sadad, un village chrétien de la
province centrale de Homs, 41 civils avaient été tués, dont 14 femmes
et deux enfants.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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