Le secrétaire d’État John Kerry a déploré jeudi la décision du
pouvoir égyptien de désigner les Frères musulmans comme une
"organisation terroriste", alors que des heurts entre partisans et
adversaires du président islamiste déchu Mohamed Morsi ont fait un mort
au Caire. Le chef de la diplomatie américaine a téléphoné à son
homologue égyptien Nabil Fahmy pour exprimer "sa préoccupation quant à
la désignation terroriste des Frères musulmans", a indiqué la
porte-parole du département d’État Jennifer Psaki. John Kerry a
également condamné "l’atroce attentat à la bombe terroriste" dans lequel
15 personnes ont trouvé la mort mardi à Mansoura (nord), à la suite
duquel les autorités ont décidé de qualifier les Frères musulmans
d’organisation terroriste.
Ces derniers démentent toute implication dans cet attentat,
revendiqué par un mouvement djihadiste distinct, Ansar Beit al-Maqdess.
Ce regain de tension s’est traduit jeudi soir par la mort d’une personne
lors d’affrontements entre des étudiants de la prestigieuse université
Al-Azhar du Caire partisans de Mohamed Morsi et des adversaires de
l’ancien président, selon le ministère de l’Intérieur. Le ministère a
ajouté que sept "émeutiers" issus de la confrérie, qui bravaient
l’interdiction faite aux Frères musulmans de manifester, avaient été
arrêtés après que la police était intervenue à coups de grenades
lacrymogènes.
"J’ai peur du passager qui s’assoit dans mon taxi"
Un attentat survenu jeudi matin a également fait cinq blessés légers
lorsque qu’une bombe a frappé un bus dans le quartier de Nasr City, dans
le nord du Caire. Il s’agit du premier attentat n’ayant touché que des
civils depuis le coup de force des militaires contre le chef d’État
islamiste il y a six mois, même si la bombe a peut-être explosé
prématurément. Toutefois, a expliqué un général de la police, une
seconde bombe artisanale, désamorcée, avait été placée dans un panneau
publicitaire proche et devait détoner au moment où les forces de l’ordre
arriveraient sur les lieux après la première explosion. Selon un
porte-parole du ministère de l’Intérieur, elle "visait à terroriser les
gens avant le référendum" constitutionnel prévu les 14 et 15 janvier.
L’homme fort du nouveau pouvoir, le général Abdel Fattah al-Sissi,
chef de l’armée, ministre de la Défense et vice-Premier ministre, a
réagi en promettant d’"éliminer" les terroristes et de faire revenir la
"stabilité". Depuis la destitution et l’arrestation le 3 juillet de
Mohamed Morsi, l’Égypte est entrée dans un engrenage de violence. Les
autorités répriment dans le sang les islamistes, et les plus radicaux
d’entre eux mènent des attaques qui ont tué plus d’une centaine de
policiers et de soldats. L’implacable campagne des autorités dirigées de
facto par les militaires a fait plus de 1 000 morts et des milliers
d’arrestations dans les rangs islamistes. Décrivant l’ambiance dans
l’Égypte plus divisée que jamais, Ihab Abdelmoneim, chauffeur de taxi du
Caire, a de son côté affirmé : "Aujourd’hui, j’ai peur du passager qui
s’assoit dans mon taxi, et lui, il a peur de moi."
Manifestations et publications interdites
Au lendemain de l’attentat de Mansoura, le gouvernement a placé de
fait les centaines de milliers de membres de la confrérie sous le régime
d’une sévère loi antiterroriste promulguée en 1992 sur fond de
violences de groupes islamistes radicaux. Ainsi, jeudi, une vingtaine de
ses membres ont été mis en détention provisoire et 16 autres arrêtés
pour possession de tracts et "incitation à la violence". Désormais
considérés comme "terroristes", les dirigeants de la confrérie risquent
jusqu’à la peine capitale, a expliqué le porte-parole du ministère de
l’Intérieur, Hany Abdel Latif. Quant à ses membres, ils sont désormais
interdits de manifestation, et le journal du mouvement, Liberté et
justice, a été définitivement interdit, de même que le parti du même
nom, qui avait remporté toutes les élections organisées depuis la
révolte de 2011.
Quiconque sera trouvé en possession de publications ou
d’enregistrements diffusés par la confrérie sera passible de peines
allant jusqu’à cinq ans de prison. Les autorités accusent régulièrement
la confrérie d’aider et de financer les attentats contre les forces de
l’ordre - devenus quasi-quotidiens depuis la destitution de Mohamed
Morsi -, sans toutefois apporter la preuve des liens entre les
djihadistes et les Frères musulmans, tenants d’un islam politique plus
modéré. Bannis mais tolérés sous le régime de Hosni Moubarak et
véritablement sortis de la clandestinité à son départ en 2011, les
Frères musulmans pourraient se radicaliser après avoir été dépossédés
d’une présidence acquise via les urnes, estiment les experts. En
destituant Mohamed Morsi, les militaires ont promis une "transition
démocratique", qui doit se clore par des élections législatives et
présidentielle mi-2014.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire