La France et la Russie ont fait mardi à Moscou le constat de désaccords
persistants sur la Syrie, tant sur la responsabilité du régime dans
l’attaque chimique du 21 août que sur l’adoption d’une résolution
contraignante pour le régime.
"Nous avons les raisons les plus sérieuses de penser que c’était une
provocation", a rétorqué le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov,
à son homologue français Laurent Fabius qui venait d’affirmer que le
rapport publié la veille par l’ONU ne laissait "aucun doute sur la
responsabilité du régime de Damas".
Quand à la résolution "forte et contraignante" que Paris a dit lundi
vouloir faire adopter d’ici la fin de la semaine au Conseil de sécurité
de l’ONU, M. Lavrov a de facto écarté qu’elle puisse prévoir le recours à
la force.
"La résolution qui devra approuver la décision de l’Organisation pour
l’interdiction des armes chimiques ne sera pas sous chapitre 7", le
chapitre de la charte de l’ONU qui prévoit des sanctions et jusqu’au
recours à la force, a déclaré M. Lavrov.
"Nous l’avons dit clairement à Genève, et il n’y a rien de tel dans le
document que nous avons adopté ", a-t-il ajouté, évoquant l’accord
conclu samedi avec le secrétaire d’Etat américain John Kerry sur la mise
en oeuvre d’un plan de démantèlement des armes chimiques syriennes.
Ce n’est que dans un deuxième temps, si l’une ou l’autre des parties
enfreint les engagements pris, que le Conseil de sécurité pourra
envisager une action, a-t-il souligné.
Le ministre russe et son homologue français, venu à Moscou, après Pékin
dimanche, pour tenter d’infléchir la position de la Russie sur la
manière de mettre en oeuvre l’accord de Genève, ont souligné avoir
l’objectif commun de trouver une solution politique afin de mettre fin
au bain de sang en Syrie, mais ont admis avoir des divergences
persistantes.
"Nous avons certaines divergences sur la façon d’atteindre" ce but, a déclaré M. Lavrov.
M. Fabius a, lui, évoqué des "différences d’approche sur les méthodes".
Les désaccords avaient éclaté dès lundi sur les suites à donner à
l’accord conclu samedi à Genève entre Russes et Américains sur un plan
de démantèlement des armes chimiques syriennes.
Moscou, indéfectible allié du régime syrien, affirme que l’accord conclu
à Genève avec le secrétaire d’Etat John Kerry, dont le texte est
imprécis sur ce point, ne prévoit pas dans l’immédiat de menacer Damas.
Concernant le rapport des inspecteurs de l’ONU sur l’attaque à l’arme
chimique qui a fait près de 1.500 morts selon Washington le 21 août près
de Damas, Moscou n’avait cessé d’exprimer ses doutes quant aux
accusations portées contre le régime.
M. Lavrov avait estimé samedi que le dossier syrien était pétri de "mensonges et falsifications".
Le présentant lundi aux 15 membres du Conseil de sécurité, le secrétaire
général de l’ONU Ban Ki-moon a décrit un rapport dont "la lecture donne
le frisson", et a qualifié l’attaque de "crime de guerre".
Ses rédacteurs sont des inspecteurs onusiens qui ont enquêté sur le terrain.
Sans désigner explicitement les autorités syriennes, le texte dresse des
"preuves flagrantes et convaincantes" sur le recours au gaz sarin.
D’après ce document, "des armes chimiques ont été utilisées sur une
échelle relativement grande" au cours du conflit syrien "contre des
civils, y compris des enfants".
M. Ban ne les a pas nommés, mais il a réclamé que les responsables "rendent des comptes".
La Commission d’enquête de l’ONU sur les violations des droits de
l’homme en Syrie a par ailleurs annoncé des investigations sur 14 autres
attaques chimiques présumées depuis septembre 2011.
M. Ban a lui-même demandé au Conseil de sécurité de prévoir des
"conséquences" dans "une résolution claire" si Damas ne respecte pas le
plan de démantèlement de son arsenal chimique mis au point samedi à
Genève par MM. Kerry et Lavrov.
Le secrétaire général n’a toutefois pas parlé de frappes militaires.
L’option armée "reste sur la table" pour les Etats-Unis, a assuré de son
côté une porte-parole du département d’Etat, Marie Harf, plaidant elle
aussi pour une résolution à l’ONU prévoyant des "mécanismes d’exécution
les plus forts possibles".
Dans un communiqué, le ministère syrien des Affaires étrangères a
affirmé de son côté que "les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne
ont levé le voile sur leur véritable objectif (..) qui est d’imposer
leur volonté au peuple syrien".
Paris a par ailleurs annoncé une réunion internationale fin septembre à
New York avec l’opposition syrienne, qui refuse l’initiative
russo-américaine qui a écarté la menace de frappes.
Rien n’assure que Moscou prendra part à ce nouveau rendez-vous des "Amis
de la Syrie", 11 pays soutenant l’opposition dans une guerre qui a fait
110 000 morts en deux ans et demi.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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