Des dizaines de milliers de Yéménites ont manifesté mercredi à Sanaa
pour réclamer la levée de l’immunité dont jouit l’ex-président Ali
Abdallah Saleh alors qu’il est accusé d’entraver la conclusion de la
conférence de dialogue national.
"Pas d’immunité, pas de garantie", "le peuple veut le jugement du
tyran", clamaient les manifestants. La manifestation s’est déroulée pour
commémorer la mort de 35 personnes, il y a deux ans jour pour jour,
lors de tirs par les forces de M. Saleh sur un rassemblement qui
réclamait son départ.
Cette manifestation est intervenue alors que l’ancien président, qui a
dû céder le pouvoir en février 2012 mais demeure chef du Congrès
populaire général (CPG, ancien parti présidentiel), est accusé de tenter
d’entraver les travaux de la conférence de dialogue national.
La conclusion de dialogue, cruciale pour la poursuite du processus de
transition politique, bute sur la question de l’autonomie du Sud.
Les partisans de M. Saleh bloquent un projet d’accord sur un Etat
fédéral formé de deux entités, le Nord et le Sud, a déclaré à l’AFP
Ahmad Awad Ben Moubarak, porte-parole de la conférence de dialogue.
Les deux délégués du CPG se sont retirés d’un comité qui avait élaboré
lundi un projet d’accord préconisant l’instauration d’un Etat fédéral, a
précisé le porte-parole.
Le chef de la diplomatie yéménite et membre dirigeant du CPG, Abou Bakr
Al-Kirbi, a indiqué à l’AFP que la question de l’unité du Yémen était
une ligne rouge pour son parti, et qu’il refusait un Etat fédéral formé
de deux entités, une réminiscence de l’ancienne division du Yémen entre
nord et sud.
Le Nord et le Sud se sont unifiés en 1990, et une tentative de sécession
sudiste a été écrasée dans le sang par les troupes nordistes en 1994.
Depuis,
les Sudistes se plaignent de discrimination, et sont divisés entre une
tendance dure réclamant l’indépendance et une tendance modérée
participant au dialogue à Sanaa.
M. Kirbi a ajouté que son parti avait élaboré "une contre-proposition" portant sur un Etat constitué de plusieurs entités.
"Il y a un conflit entre des forces du passé qui veulent préserver leurs
intérêts, et des forces qui veulent un nouveau système politique", a
dit le porte-parole, dans une allusion au CPG.
La conférence, qui aurait dû s’achever mercredi, est une étape clé du
processus de transition pacifique, qui doit en principe déboucher sur
l’élaboration d’une Constitution sur la base de laquelle des élections
générales sont prévues en février 2014.
Le Yémen est le seul des pays du Printemps arabe où un soulèvement
populaire s’est terminé par une solution négociée, et l’ONU qui a
supervisé ce règlement est activement impliquée dans son application.
"Toute tentative de tergiverser ou d’entraver le dialogue est vouée à
l’échec", a déclaré à l’AFP l’émissaire de l’ONU pour le Yémen, Jamal
Benomar, appelant "toutes les parties à régler leurs divergences par le
dialogue".
Il a exprimé l’espoir que les travaux de la conférence du dialogue
national s’achèvent avant le 27 septembre, date à laquelle il doit
présenter son rapport périodique, "afin que je puisse annoncer au
Conseil de sécurité des développements positifs concernant cette
expérience de dialogue unique dans la région arabe".
M. Benomar a rappelé que le Conseil de sécurité avait déjà nommément
désigné en février dernier les parties entravant la transition, comme
étant l’ancien président Saleh et le dirigeant de la faction dure des
Sudistes, Ali Salem Al Baïd.
Un responsable du CPG, Yasser Al-Awadi, a affirmé sur Twitter qu’un
diplomate d’un pays occidental membre du Conseil de sécurité de l’ONU
avait averti le parti qu’il s’exposait à "des sanctions de la part de
l’ONU s’il n’accepte pas l’accord dans un délai de 48 heures".
A Aden, principale ville du sud, quelques centaines d’indépendantistes
se sont rassemblés mercredi soir au milieu d’un important déploiement
policier, selon le correspondant de l’AFP.
"Non au dialogue, notre revendication est l’indépendance", proclamaient
les manifestants qui brandissaient le drapeau de l’ex-Yémen du sud.
Un policier a été tué par des inconnus armés dans la ville où la situation était tendue.
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