Le naufrage meurtrier d’un bateau au large de l’Indonésie a mis en
lumière l’activité de réseaux profitant du désespoir de Libanais pauvres
et de réfugiés syriens pour les transformer en "boat people".
Au moins 29 Libanais étaient toujours portés disparus dimanche après le
naufrage de leur embarcation transportant des réfugiés voulant se rendre
en Australie.
"Il y avait 68 Libanais à bord de l’embarcation. 18 ont été secourus
pour le moment et 21 corps ont été repêchés", a affirmé à l’AFP Haytham
Jomaa, directeur général pour les émigrés aux Affaires étrangères à
Beyrouth.
Vendredi, la police indonésienne a annoncé qu’au moins 20 personnes, en
majorité des enfants, sont mortes noyées et 75 sont portées disparues
après le naufrage du bateau transportant des réfugiés du Moyen-Orient.
A Tripoli, la grande ville du nord du Liban, Khaled al-Raï reçoit les
condoléances. Sur le "bateau de la mort", il a perdu son oncle Talal
dont ses enfants âgés de 7 et 9 ans ont aussi péri. En revanche sa tante
et son cousin de 5 ans ont pu être sauvés.
"Ils avaient fui la guerre et la pauvreté à Tripoli. La mort leur avait donné rendez-vous en Indonésie", lance-t-il.
Un responsable de la sécurité a affirmé à l’AFP que "depuis mars, près
de 250 personnes, des Libanais mais aussi des Syriens ont émigré de
cette façon, notamment vers l’Australie, en contrepartie de sommes
énormes".
"Le phénomène d’immigration illégale a augmenté avec l’afflux de
réfugiés syriens. Des réseaux mafieux ont commencé à se concentrer sur
les Syriens mais des Libanais ont souhaité aussi émigrer", a-t-il dit
sous couvert de l’anonymat.
Près de 760 000 Syriens sont réfugiés au Liban après avoir fui la guerre
dans leur pays, la plupart vivant dans le nord notamment dans la région
pauvre du Akkar.
Des proches de Libanais ayant émigré de cette façon ont affirmé à l’AFP
qu’un Libanais de Tripoli organisait les voyages
Liban-Indonésie-Australie et était en contact avec un Irakien en
Indonésie, connu sous le nom "d’Abu Saleh", qui "supervise" les
opérations d’arrivée.
Obtenir un visa indonésien à partir du Liban est facile et les émigrés
passent clandestinement de Jakarta à Java, où ils embarquent vers les
îles australiennes.
Après le drame, le Liban a demandé l’ouverture d’une enquête. Une
personne soupçonnée d’être liée à ces opérations est en garde à vue.
La famille al-Raï avait pris l’avion en juillet de Beyrouth jusqu’en
Indonésie. Elle était originaire du quartier misérable de Bab al-Tebbané
à Tripoli, en proie à des combats liés au conflit syrien.
"Leur situation était catastrophique. Mon oncle était mécanicien. En
raison des combats endémiques, il n’avait presque plus de travail et sa
maison a été touchée deux fois par les tirs", raconte Khaled al-Raï.
Il a vendu son garage et s’est endetté pour partir avec sa famille.
Khaled al-Raï ajoute qu’il essaye de rapatrier sa tante et son cousin,
mais "tout le monde a déchiré son passeport afin de demander l’asile".
Selon la source de sécurité, "certains immigrés libanais se sont
procurés de faux passeports syriens à travers des mafias, afin que le
pays d’accueil leur accorde le droit d’asile".
La plupart des victimes libanaises du naufrage sont de la localité de Kabiit, dans le nord du Liban.
"En mars et avril, 50 habitants, dont mon fils de 16 ans, ont émigré
(clandestinement) en Australie via l’Indonésie", confie à l’AFP le chef
de la municipalité Ahmad Darwiche.
"J’ai déboursé 8.000 dollars pour son voyage. J’ai hésité bien sûr mais
comme il n’y a pas de travail ici, la plupart des jeunes émigrent et
cette situation a empiré avec l’afflux de réfugiés syriens", dit-il.
Hussein Khodr a, lui, payé à un trafiquant 40.000 dollars pour émigrer
avec sa femme enceinte et ses huit enfants. Tous ont péri sauf lui dans
le naufrage cette semaine, raconte son frère Nasr avec émotion.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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