Les manifestations anti-gouvernementales ont gagné en ampleur mercredi
au Soudan, paralysant la capitale et tournant à l’émeute dans certains
quartiers, au troisième jour d’un mouvement de contestation qui a déjà
fait trois morts.
Ces protestations, provoquées par la décision lundi du gouvernement de
lever les subventions sur les prix des carburants, sont les plus
importantes dans ce pays depuis l’arrivée au pouvoir du général Omar
el-Béchir en 1989.
Des manifestations, à caractère spontané selon des militants, ont éclaté
mercredi dans plusieurs quartiers de Khartoum, dont certains proches du
centre, selon le correspondant de l’AFP.
"Liberté, liberté", "le peuple veut la chute du régime", scandaient les
manifestants, dont beaucoup d’étudiants, reprenant le slogan phare du
"printemps arabe".
Ils ont lancé des pierres sur la police, qui a répliqué en tirant des grenades lacrymogènes.
Les magasins étaient fermés à Khartoum et sa ville jumelle, Oumdurman.
Plusieurs routes étaient coupées, les manifestants ayant mis le feu à
des pneus usagés ou des branches d’arbres, et une épaisse fumée noire se
dégageait de plusieurs quartiers de la capitale.
Des manifestants ont mis le feu à plusieurs voitures sur le parking d’un
grand hôtel situé à 500 mètres de l’aéroport de Khartoum et à une
station-service sur cette même route, selon le correspondant de l’AFP.
Les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser les manifestants à
coups de grenades lacrymogènes et une vingtaine de personnes ont été
arrêtées.
Dans le quartier de Khartoum Bahri, un témoin a affirmé avoir vu six voitures incendiées par les manifestants.
La police bloquait à la mi-journée une partie de l’axe routier menant à
l’aéroport, et les transports publics ne fonctionnaient pas en milieu de
journée.
"Je dois faire dix kilomètres à pied. C’est vrai que les manifestants
défendent nos droits, mais ils nous rendent la vie plus difficile", a
affirmé Ahmad Amer, un employé qui rentrait chez lui après son travail.
Face à l’extension des troubles, les autorités ont annoncé la fermeture des écoles à Khartoum jusqu’au 30 septembre.
Les connexions internet étaient en outre coupées dans la capitale, selon
plusieurs utilisateurs, mais il n’était pas possible de déterminer s’il
s’agissait d’une panne ou d’une coupure délibérée de la part des
autorités.
Des appels à manifester contre le gouvernement avaient circulé sur les réseaux sociaux.
Un étudiant qui participait aux manifestations à Oumdurman, Omar
Mohammed Ahmed Al-Khidr, a été tué mercredi, a affirmé sa famille à
l’AFP.
Et la police a fait état d’un mort dans la capitale, tué selon elle lors d’une tentative de pillage.
Mardi, des manifestants avaient pillé et incendié le siège du Parti du
congrès national, au pouvoir, à Oumdurman, selon des témoins.
Les manifestations qui y avaient éclaté mardi, ainsi qu’à Khartoum, se sont prolongées jusqu’à l’aube.
Les protestations ont fait tache d’huile dans le pays, et des centaines
de personnes, dont des étudiants, ont marché mercredi à Port-Soudan,
unique port du pays à un millier de kilomètres au nord-est de Khartoum,
selon des témoins qui ont indiqué que la police a dispersé les
manifestants à coups de grenades lacrymogènes et de matraques.
Quelques centaines d’étudiants ont également manifesté à Atbara, à 400 km au nord de Khartoum, selon des témoins.
Les manifestations avaient commencé lundi à Wad Madani, chef-lieu de la
province d’Al-Jazira au sud-est de Khartoum, où un manifestant a été
abattu par des inconnus, selon la police.
Elle a indiqué qu’un groupe de manifestants dans cette province avait
tenté mardi "de prendre d’assaut les bâtiments de la télévision et de la
compagnie d’électricité", et des blessés légers dans les rangs des
manifestants et de la police ont été signalés.
Le mouvement de protestation a également touché la région du Darfour, dans l’ouest du pays.
Le gouvernement a annoncé lundi une forte hausse du carburant à la suite
de la suspension des subventions de l’Etat, dans le cadre d’une série
de réformes économiques.
En 2012, des violentes manifestations contre le régime de M. Béchir
avaient déjà eu lieu après l’annonce de mesures d’austérité similaires,
dont des hausses d’impôts et du prix du pétrole.
Khartoum a perdu des milliards de dollars de revenus pétroliers depuis
l’indépendance il y a deux ans du Soudan du Sud, qui a récupéré près de
75% de la production de brut du Soudan d’avant la sécession.
Depuis, le Soudan est touché par une inflation galopante et connaît une grave pénurie de dollars pour financer ses importations.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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