De la tôle froissée, des débris épars et des moutons égaillés, voilà
tout ce qui subsiste du hameau de Makhul, théâtre d’un récent incident
entre diplomates européens et militaires israéliens. Dans cette vallée
du Jourdain, les Palestiniens dénoncent une annexion rampante.
Depuis la démolition de leur campement le 16 septembre à l’aube par
l’armée israélienne, qui a empêché manu militari les organisations
humanitaires de leur acheminer des tentes, les bédouins de Makhul sans
abri s’accrochent à leur bout de sol rocailleux cerné par les colonies
agricoles de la vallée.
"Nous vivons ici depuis 25 ans, d’autres familles depuis 43 ans",
affirme Abu Hussein. "Nous avons les titres officiels sur cette terre,
il n’y a aucune raison pour nous déplacer".
L’administration militaire israélienne a émis depuis 2009 des ordres de
démolition au motif que les structures du village avaient été édifiées
sans permis.
En août, la Cour suprême israélienne a rejeté un recours des résidents
et donné gain de cause à l’armée qui contestait leurs droits de
propriété, autorisant ainsi les destructions.
"Toutes les familles qui vivent là n’y habitent pas depuis longtemps
comme elles le prétendent", a déclaré à l’AFP le porte-parole de
l’administration militaire israélienne, le commandant Guy Inbar, "ils
n’ont pas les certificats nécessaires pour prouver qu’ils vivent là
légalement".
Comme près de 90 % de la partie palestinienne de la vallée du Jourdain,
Makhul se situe en "zone C", sous contrôle total de l’armée
israélienne, qui n’y délivre de permis de construire que de manière très
restrictive, seul 1% étant dévolu au développement palestinien, selon
l’ONU.
Par conséquent, la population palestinienne est réduite à y bâtir sans
autorisation, affirment les Palestiniens et les organisations de défense
des droits de l’Homme.
"Même si toutes ces revendications étaient valides, il faut construire
légalement. Si vous voulez installer une tente à Central Park, je doute
que la police de New York vous laisse faire", a plaidé le commandant
Inbar.
"Ce que les Palestiniens comprennent, c’est que si c’est leur terrain,
ils peuvent y bâtir ce qu’ils veulent. A cause de cette différence
culturelle, nous avons beaucoup de problèmes avec les Palestiniens
là-dessus en zone C", a-t-il insisté.
Dans le village de Fassayil, plus au sud, pratiquement enclavé par les
colonies, la petite école aux salles de classe bondées visée par des
ordres de démolition illustre la difficulté d’obtenir des autorisations
de construire.
"Cela fait dix ans que nous présentons des demandes de permis pour bâtir
une école ici", a souligné le négociateur palestinien Saëb Erakat lors
d’une tournée la semaine dernière dans la vallée avec des diplomates et
des journalistes, "ils veulent vider ce secteur pour relier les
colonies".
Les dirigeants palestiniens voient dans l’érosion de la population de la
vallée - de 250.000 avant le début de l’occupation, selon eux, à
environ 70.000 en 2013 - le résultat d’une politique délibérée.
Une lueur d’espoir est néanmoins apparue mardi pour les habitants de
Makhul. La Haute Cour de Justice israélienne a provisoirement interdit à
l’armée de les déplacer et de poursuivre ses démolitions, lui donnant
jusqu’au 8 octobre pour démontrer qu’elles étaient "exigées par des
nécessités militaires imminentes".
Quelle que soit l’issue de cette bataille juridique, c’est toute la vallée du Jourdain qui vit sous la menace.
Outre les bédouins de Makhul, "il y a 300 familles sous le coup d’un
ordre de démolition", prévient le responsable du conseil municipal, Aref
Daraghmeh.
"Il y a une coalition de toutes les institutions israéliennes pour
chasser les Palestiniens de cette zone", accuse-t-il, "l’armée confisque
la terre pour des exercices militaires, et dix ans après, elle la donne
à cultiver aux colons".
Selon l’organisation israélienne de défense des droits de l’Homme
B’Tselem, "la politique de déplacement de la population palestinienne de
la vallée du Jourdain vise notamment à établir un contrôle israélien
sur la zone et à l’annexer de facto à Israël, en exploitant ses
ressources et en y minimisant la présence palestinienne".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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