L’équation est sans appel. Le taux de croissance de la population
dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, qui s’établissait fin
2012 à 5 %, est presque trois fois celui enregistré au plan national,
qui est de seulement 1,9 %. Selon les chiffres que vient de publier le
Bureau central des statistiques israélien, cela donne à la fin de
l’année dernière 341 400 colons. Soit 16 200 de plus que l’année
précédente.
Fait important, cette augmentation n’est pas due à l’arrivée dans les
implantations juives de familles vivant jusqu’ici à l’intérieur d’Israël
même, mais aux naissances sur place. En 2012, les 11 100 bébés nés dans
les colonies ont contribué à hauteur de 68,5 % à la croissance de cette
population, alors que les 31,5 % restant représentaient les 5 100
personnes qui avaient quitté Israël pour la "Judée-Samarie".
Un renversement de tendance. Car vingt et un ans plus tôt, en 1991, 9
000 juifs étaient allés s’installer en Cisjordanie alors qu’on avait
enregistré "seulement" 2 600 naissances. De fait, c’est au début des
années 2000, avec la seconde Intifada, que les courbes ont commencé à
s’inverser.
Et depuis, l’évolution n’a cessé d’aller dans ce seul
sens : celui du triomphe des naissances sur les camions de déménagement
en direction des colonies.
À l’origine de cette nouvelle réalité, le développement de deux colonies
ultraorthodoxes : Betar Illit, édifiée en 1985, non loin de Bethléem
avec près de 43 000 habitants, et Modiin Illit, créée en 1991, qui avec
ses 55 500 habitants est actuellement la plus importante des 130
colonies que compte ce territoire. Dans ces deux localités, le taux de
fécondité est exceptionnel : 7,7 contre 5,1 pour l’ensemble des femmes
des colonies. Résultat : alors qu’en 1991 les juifs ultra-religieux ne
représentaient que 5 % des colons installés en Cisjordanie, ils sont
aujourd’hui plus de 30 %. Et selon les prévisions des démographes, ils
seront d’ici huit ans près de 40 %.
En août dernier, Galei Tsahal, la radio de l’armée, s’appuyant sur des
chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, a annoncé qu’en
Cisjordanie les colons juifs avaient atteint le nombre de 367 000
personnes au premier semestre 2013, soit une croissance de 2,1 % en six
mois. L’occasion pour les ténors de la colonisation de lancer un appel
au gouvernement pour qu’il relance la construction de logements, "afin
de répondre à la demande croissante".
Fin juillet, rappelons-le, Netanyahou avait inscrit vingt implantations
dans sa nouvelle liste des zones de développement prioritaires. Bref, du
pain bénit pour la droite nationaliste et les sionistes religieux.
Totalement décomplexés, leurs représentants au sein de l’actuel cabinet
rappellent régulièrement leur opposition à la solution à deux États,
c’est-à-dire Israël et une Palestine indépendante, côte à côte.
Pour Dani Dayan, une des figures majeures du mouvement des
implantations, la présence juive en Cisjordanie est un "fait
irréversible". Que ce soit en Israël ou à l’étranger, dans des articles
ou des conférences, devant un public de partisans ou non, son credo est
le même : "Tenter de stopper l’expansion de la colonisation est futile.
Les gouvernements occidentaux doivent renoncer à leurs efforts visant à
la création d’un État palestinien. À la place, ils doivent tout faire
pour améliorer la situation qui prévaut sur le terrain." D’autres vont
encore plus loin en appelant à l’annexion pure et simple de la
Cisjordanie. Certains, comme Ouri Ariel, le ministre de l’Habitat, et
lui-même colon, allant jusqu’à proposer d’accorder la citoyenneté
israélienne aux Palestiniens.
Face à cela, ceux qui, en Israël, veulent encore croire à la création
d’un État palestinien ne pèsent plus très lourd. D’autant plus que même
si le nombre des colons ne représente que 4,8 % de la population
israélienne totale, leur soutien à l’intérieur de la ligne verte est lui
aussi en pleine croissance. La preuve ? Les douze sièges remportés par
le Foyer juif de Naftali Bennett, un parti ouvertement annexionniste et
qui compte, au sein du gouvernement israélien, trois ministères, dont
deux majeurs : l’Économie et l’Habitat.
Le président palestinien Mahmoud Abbas, actuellement à New York, a
déclaré, en rencontrant un important groupe de responsables juifs
américains, qu’il espérait toujours conclure un accord afin que "juifs,
chrétiens et musulmans puissent vivre en paix et en sécurité en
Palestine".
Mais, a-t-il ajouté, "le peuple palestinien a perdu l’espoir dans les négociations avec Israël, en raison de la colonisation".
(26-09-2013 - Danièle Kriegel )
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