jeudi 26 septembre 2013

Israël/Palestine : la croissance exponentielle des colons juifs en Cisjordanie (Danièle Kriegel)

L’équation est sans appel. Le taux de croissance de la population dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, qui s’établissait fin 2012 à 5 %, est presque trois fois celui enregistré au plan national, qui est de seulement 1,9 %. Selon les chiffres que vient de publier le Bureau central des statistiques israélien, cela donne à la fin de l’année dernière 341 400 colons. Soit 16 200 de plus que l’année précédente.
Fait important, cette augmentation n’est pas due à l’arrivée dans les implantations juives de familles vivant jusqu’ici à l’intérieur d’Israël même, mais aux naissances sur place. En 2012, les 11 100 bébés nés dans les colonies ont contribué à hauteur de 68,5 % à la croissance de cette population, alors que les 31,5 % restant représentaient les 5 100 personnes qui avaient quitté Israël pour la "Judée-Samarie".
Un renversement de tendance. Car vingt et un ans plus tôt, en 1991, 9 000 juifs étaient allés s’installer en Cisjordanie alors qu’on avait enregistré "seulement" 2 600 naissances. De fait, c’est au début des années 2000, avec la seconde Intifada, que les courbes ont commencé à s’inverser.
Et depuis, l’évolution n’a cessé d’aller dans ce seul sens : celui du triomphe des naissances sur les camions de déménagement en direction des colonies.
À l’origine de cette nouvelle réalité, le développement de deux colonies ultraorthodoxes : Betar Illit, édifiée en 1985, non loin de Bethléem avec près de 43 000 habitants, et Modiin Illit, créée en 1991, qui avec ses 55 500 habitants est actuellement la plus importante des 130 colonies que compte ce territoire. Dans ces deux localités, le taux de fécondité est exceptionnel : 7,7 contre 5,1 pour l’ensemble des femmes des colonies. Résultat : alors qu’en 1991 les juifs ultra-religieux ne représentaient que 5 % des colons installés en Cisjordanie, ils sont aujourd’hui plus de 30 %. Et selon les prévisions des démographes, ils seront d’ici huit ans près de 40 %.
En août dernier, Galei Tsahal, la radio de l’armée, s’appuyant sur des chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, a annoncé qu’en Cisjordanie les colons juifs avaient atteint le nombre de 367 000 personnes au premier semestre 2013, soit une croissance de 2,1 % en six mois. L’occasion pour les ténors de la colonisation de lancer un appel au gouvernement pour qu’il relance la construction de logements, "afin de répondre à la demande croissante".
Fin juillet, rappelons-le, Netanyahou avait inscrit vingt implantations dans sa nouvelle liste des zones de développement prioritaires. Bref, du pain bénit pour la droite nationaliste et les sionistes religieux. Totalement décomplexés, leurs représentants au sein de l’actuel cabinet rappellent régulièrement leur opposition à la solution à deux États, c’est-à-dire Israël et une Palestine indépendante, côte à côte.
Pour Dani Dayan, une des figures majeures du mouvement des implantations, la présence juive en Cisjordanie est un "fait irréversible". Que ce soit en Israël ou à l’étranger, dans des articles ou des conférences, devant un public de partisans ou non, son credo est le même : "Tenter de stopper l’expansion de la colonisation est futile. Les gouvernements occidentaux doivent renoncer à leurs efforts visant à la création d’un État palestinien. À la place, ils doivent tout faire pour améliorer la situation qui prévaut sur le terrain." D’autres vont encore plus loin en appelant à l’annexion pure et simple de la Cisjordanie. Certains, comme Ouri Ariel, le ministre de l’Habitat, et lui-même colon, allant jusqu’à proposer d’accorder la citoyenneté israélienne aux Palestiniens.
Face à cela, ceux qui, en Israël, veulent encore croire à la création d’un État palestinien ne pèsent plus très lourd. D’autant plus que même si le nombre des colons ne représente que 4,8 % de la population israélienne totale, leur soutien à l’intérieur de la ligne verte est lui aussi en pleine croissance. La preuve ? Les douze sièges remportés par le Foyer juif de Naftali Bennett, un parti ouvertement annexionniste et qui compte, au sein du gouvernement israélien, trois ministères, dont deux majeurs : l’Économie et l’Habitat.
Le président palestinien Mahmoud Abbas, actuellement à New York, a déclaré, en rencontrant un important groupe de responsables juifs américains, qu’il espérait toujours conclure un accord afin que "juifs, chrétiens et musulmans puissent vivre en paix et en sécurité en Palestine".
Mais, a-t-il ajouté, "le peuple palestinien a perdu l’espoir dans les négociations avec Israël, en raison de la colonisation".

(26-09-2013 - Danièle Kriegel )

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