La tragédie des réfugiés palestiniens du camp de Nahr el-Bared, au
nord du Liban, n’est pas terminée. Le dossier de cette blessure ouverte
n’en finit pas de s’étoffer, dans un pays en crise. La dernière décision
de l’UNRWA fut de considérer que le camp de Nahr el-Bared n’est plus en
situation d’urgence, prétextant une autre tragédie, celle des réfugiés
palestiniens des camps situés en Syrie et le manque de finances, pour
assumer son rôle dans les deux cas.
La population réfugiée du camp de Nahr el-Bared s’es révoltée. Depuis
5 jours, elle tient un rassemblement devant le siège de l’UNRWA à
Beirut, réclamant le maintien de la situation d’urgence dans le camp,
qui signifie par ailleurs que l’UNRWA devrait aider les familles de Nahr
el-Bared à assurer les soins médicaux, les études et reconstruire les
logements. Les familles palestiniennes de Nahr el-Bared ne sont pas
responsables de la crise financière de l’UNRWA, ni de la corruption de
son bureau, ni des malversations financières qui ont retardé cette
reconstruction, affirment les réfugiés.
l’UNRWA, qui prend prétexte du lourd dossier des camps palestiniens
en Syrie, n’a que très peu assuré son rôle dans la reconstruction du
camp de Nahr –el-Bared, et assume d’ailleurs à peine le sien par rapport
aux réfugiés palestiniens venant de Syrie. La décision est ailleurs, et
est surtout politique, comme l’affirment les organisations de la
résistance palestinienne au Liban mais aussi les comités populaires des
camps. Car il est notoire que depuis quelques années, l’UNRWA essaie de
se débarrasser de ses tâches pour lesquelles elle fut fondée par l’ONU,
sous le prétexte de problèmes financiers, au profit des organisations
internationales ou des Etats et de l’Autorité palestinienne, comme le
souhaitent depuis les accords d’Oslo les Etats-Unis, le Canada et l’Etat
sioniste.
Avant même leur protestation et rassemblement permanent à Beirut, les
jeunes du camp avaient fermé les écoles de l’UNRWA, dans les camps de
Beddawi et de Nahr el-Bared, pour obliger l’UNRWA à écouter leurs
revendications. Mais l’obstination de l’UNRWA et son manque d’écoute
ont obligé la population de Nahr al-Bared à aller plus loin. Elle
« campe » à présent devant le siège de l’agence de l’ONU.
Au Liban, le camp de Nahr el-Bared fut détruit par l’armée libanaise,
en mai 2008, qui avait demandé à la population palestinienne de le
déserter, pour qu’elle puisse bombarder sans hésitation ses quartiers et
ses maisons, afin de liquider le groupe armé de Fateh el-Islam, qui s’y
était installé. Le camp fut bombardé et détruit, mais les principaux
responsables du Fateh al-Islam en sont sortis indemnes et ont pu
regagner leurs pays, avec la connivence de groupes politiques et
sécuritaires libanais. Le chef de l’armée ayant donné l’ordre de la
destruction, aujourd’hui président de la République, Michel Sulayman,
mais aussi le gouvernement de Sanioura, qui avait assuré la couverture
politique d’une telle destruction, avaient assuré que le camp serait
reconstruit, et que sa population reviendrait. Mais ce n’était que du
vent, car depuis 2008, tous les motifs ont été invoqués pour que la
reconstruction se ne réalise pas, ou se réalise à moitié : la pseudo
découverte d’un site archéologique, la volonté d’installer une base
militaire à côté, des plans pour disperser les réfugiés, ou pour les
expulser vers des pays européens. En réalité, c’est l’attente d’un
règlement international qui liquiderait la cause des réfugiés et leur
retour en Palestine qui bloque toute décision politique.
Mais ce qui
pèse surtout, dans la situation libanaise, c’est que les Palestiniens
sont non seulement victimes, mais ils sont jugés responsables, et le
fait de réclamer le retour au camp devient suspect aux yeux de certaines
forces politiques, toutes tendances confondues, les réfugiés
palestiniens étant accusés de vouloir s’installer au Liban. Alors que
depuis 1948, lorsque des plans d’installation des réfugiés ont été
acceptés, ils l’ont été par des forces ou des personnalités politiques
libanaises, qui avaient décidé de participer à la liquidation de la
cause palestinienne, mais jamais par les Palestiniens.
En riposte à la récente décision de l’UNRWA, les organisations
palestiniennes ont envoyé un message à la directrice générale de l’UNRWA
au Liban, Anne Dismorr, lui demandant de maintenir le plan d’urgence
pour le camp Nahr el-Bared, car sa suppression aura de graves
répercussions sur tous les autres camps au Liban. « Nous réclamons le
maintien du plan d’urgence d’ensemble, consistant à secourir, à soigner
et à loger les habitants du camp, et à activer le processus de
reconstruction, qui a été retardé du fait de la corruption existante
dans le dossier de la reconstruction, et d’assurer les finances
nécessaires pour poursuivre cette reconstruction, d’autant plus que le
camp est toujours considéré comme une zone militaire fermée, par
décision du gouvernement libanais, et nous refusons la partition du plan
d’urgence.
« Nos familles dans le camp de Nahr el-Bared vivent une situation
tragique indescriptible, il y a des cas qui frôlent la mort, la
situation économique est catastrophique, à cause de la suppression de la
situation d’urgence. Pour nos familles, l’UNRWA est devenue la
principale cause de la souffrance de notre peuple, alors qu’elle devrait
soulager cette souffrance. »
Ce message a été délivré au siège de l’UNRWA, il y a quelques jours,
mais l’UNRWA refuse de donner une réponse. Les réfugiés de Nahr al-Bared
ont décidé de demeurer sur place tant que Mme Dismorr ne vient pas
dialoguer, puisque la décision de supprimer la situation d’urgence a été
prise unilatéralement en juillet dernier. Ils sont soutenus par les
organisations palestiniennes sur place, qui ont envoyé des délégués, et
les responsables de ces organisations viennent également assister et
participer au sit-in. Malgré les légères pluies qui ont commencé à
tomber sur Beirut, les Palestiniens de Nahr el-Bared tiennent bon.
Durant ces cinq jours, ils ont reçu la visite de plusieurs délégations
en solidarité avec leur mouvement et leur démarche est largement
approuvée par l’ensemble des réfugiés, comme peuvent le constater ceux
qui suivent les médias palestiniens électroniques.
Rim al-Khatib,
23 septembre 2013
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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