Nouveau signe de la volonté des autorités d’éradiquer l’influente
confrérie de la scène politique, après l’éviction par l’armée du
président issu de ses rangs, la justice égyptienne a interdit lundi les
activités des Frères musulmans et confisqué leurs biens. Le jugement
rendu lundi par un tribunal du Caire réuni en urgence est le dernier
épisode de la série de mesures prises par les autorités mises en place
par l’armée après la destitution le 3 juillet du président islamiste
Mohamed Morsi, toujours détenu au secret. Les Frères musulmans égyptiens
ont qualifié ce jugement de "politique et entaché de corruption", et
promis de rester "présents sur le terrain".
Il y a une semaine, un tribunal gelait les avoirs des principaux
dirigeants de l’organisation, dont la plupart sont derrière les barreaux
et actuellement jugés pour "incitation au meurtre" ou "meurtre" de
manifestants anti-Morsi.
L’implacable répression visant les Frères
musulmans et les partisans de Mohamed Morsi avait connu son paroxysme le
14 août, lorsque l’armée et la police avaient détruit deux campements
où des milliers d’islamistes réclamaient le retour au pouvoir du premier
président élu démocratiquement du pays. Dans ces violences et durant la
semaine qui a suivi, plus d’un millier de personnes ont péri, en grande
majorité des manifestants pro-Morsi. Dans le même temps, plus de 2 000
islamistes ont été arrêtés.
L’interdiction des "activités" prononcée lundi s’applique à la confrérie
- qui n’a aucune existence juridique - ainsi qu’à l’Association des
Frères musulmans, une ONG créée sous la présidence Morsi et accusée de
servir de façade aux Frères. Elle concerne aussi aussi "toute
organisation qui en émane ou est financée par eux". Parmi ces
organisations satellites figure notamment le Parti de la liberté et de
la justice, bras politique des Frères musulmans, qui pourrait être
interdit après avoir confortablement remporté les premières législatives
libres fin 2011, quelques mois après la chute d’Hosni Moubarak, emporté
par une révolte populaire dans le tumulte du Printemps arabe.
La création de ce parti avait été le signe de la sortie de la
clandestinité de la confrérie née en 1928 et depuis lors interdite mais
tolérée entre des épisodes de violente répression. Elle pourrait
désormais faire un retour complet à cette clandestinité qui a fait sa
force durant des décennies.
L’Alliance contre le coup d’État,
l’organisation pro-Morsi qui anime la contestation contre les nouvelles
autorités et appelle régulièrement à manifester pour son retour au
pouvoir, pourrait également être visée par la justice.
Alors que les nouvelles autorités répètent à l’envi mener une "bataille
contre le terrorisme", le texte du jugement, diffusé par l’agence
officielle Mena, accuse la confrérie de "s’être drapée dans l’islam pur
pour ses activités qui contredisent le véritable islam et violent la
loi". Ce jugement peut faire l’objet d’un appel, et une source
judiciaire a affirmé à l’Agence France-Presse qu’un comité
gouvernemental serait mis sur pied pour organiser la saisie des avoirs
de la confrérie, notamment ses biens immobiliers, dont ses nombreux
sièges à travers le pays. Mais pour Michael Hanna, spécialiste de
l’Égypte au sein du think tank New Century, cette décision judiciaire
est l’illustration d’une "approche brutale qui ne prévoit aucun espace
pour la confrérie dans la vie politique et sociale", alors même qu’à
l’étranger les plaidoyers pour une réconciliation nationale se
multiplient.
Des dirigeants des Frères musulmans, qui peuvent toujours se prévaloir
d’une importante base populaire, ont affirmé à l’Agence France-Presse
être prêts à renoncer au retour de Mohamed Morsi à son poste, à
condition d’obtenir la garantie que leurs membres emprisonnés seraient
libérés et leurs dirigeants autorisés à poursuivre leurs activités. Mais
les experts estiment que le gouvernement intérimaire semble peu enclin à
inclure la confrérie dans la transition qui doit doter l’Égypte d’une
nouvelle Constitution et prévoit des élections générales en 2014.
Fin juin, des manifestations sans précédent avaient réclamé le départ de
Mohamed Morsi, accusé d’avoir "islamisé" la Constitution, accaparé tous
les pouvoirs au profit des Frères musulmans et achevé de ruiner une
économie déjà exsangue. L’armée s’était appuyée sur ces manifestations
pour déposer Mohamed Morsi. L’institution militaire conserve toujours la
haute main sur les affaires du pays où les violences, en hausse dans le
Sinaï, péninsule de longue date instable, ont récemment gagné Le Caire,
avec un attentat le 5 septembre contre le ministre de l’Intérieur.
L’état d’urgence - dont la levée avait été un des acquis du Printemps
arabe - a été prolongé jusqu’à mi-novembre, et un couvre-feu nocturne
est toujours en vigueur dans la moitié des provinces égyptiennes.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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