lundi 2 septembre 2013

Égypte : un musée saccagé et un morceau d’histoire parti en fumée

Madgy Tahami regarde interloqué ce qui reste du petit musée égyptien de Mallawi : à ses pieds gisent des éclats de verre et autour de lui les vitrines détruites n’abritent plus que quelques pièces parmi le millier que comptait le musée.
Avant, des centaines d’antiquités, des statuettes, des objets en or, des bijoux racontaient l’histoire de l’Egypte, témoignant de l’ère pharaonique jusqu’à l’époque des califats musulmans, des Omeyyades aux Fatimides, du VIIème au XIIème siècle, en passant par les antiquités grecques et romaines.
Depuis 20 ans, ces trésors historiques étaient toute la vie de Magdy : "j’aime ce musée plus que ma maison, j’y ai passé plus de temps que chez moi. C’est comme si c’était ma maison qui avait été détruite, volée et saccagée", dit-il à l’AFP.
Pour lui et ses collègues, le musée de Mallawi, à 70 kilomètres de Mynia, une ville de Haute-Egypte au sud du Caire, a payé le prix fort pour la dispersion dans le sang des partisans du président islamiste Mohamed Morsi, destitué par l’armée début juillet.
Le 14 août, peu après que la police et l’armée aient lancé une opération qui a tourné au bain de sang au Caire, avec des centaines de pro-Morsi tués en quelques heures, plusieurs centaines d’hommes armés attaquaient le musée. Si personne ne désigne clairement les assaillants et les pilleurs, les murs alentours portent encore des slogans favorables au président destitué.
"Oui à l’islam, oui aux Frères musulmans", proclame l’un d’eux, tandis qu’un autre menace : "Sissi, nous arrivons", à l’adresse du général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort du pays qui a annoncé à la télévision la destitution de M. Morsi le 3 juillet après des manifestations monstres contre l’ex-chef de l’Etat islamiste.
Et dans cette région où vit une importante minorité chrétienne, les statues et les antiquités, dont une frange radicale des islamistes appellent régulièrement à la destruction, n’ont pas été les seules à être saccagées. De nombreuses églises et propriétés coptes ont également été attaquées.
Prévenus des événements sanglants dans la capitale, les employés avaient fermé le musée et s’étaient barricadés à l’intérieur avec une dizaine de policiers, mais ils n’ont pas pu prévenir les dégâts, raconte Magdy.
Il décrit "un champ de bataille" et des tirs nourris résonnant de toutes parts "dont on ne sait pas d’où ils venaient ni qui tirait".
Après plusieurs heures, la quasi-totalité des 1.089 pièces du musée avaient été volées ou détruites, certaines brûlées, selon Magdy. Pour l’UNESCO, l’attaque a créé des "dommages irréversibles pour l’histoire et l’identité du peuple égyptien" dans un pays truffé de merveilles archéologiques et de pièces d’antiquité.
"Ils ont tout emporté. Les rares pièces qu’ils ont laissé, parce qu’ils ne pouvaient pas les transporter, ils les ont vandalisés", raconte Magdy. En pointant une tache noire au sol, il lâche : "Ici, ils ont brûlé une momie".
La police égyptienne annonce chaque jour avoir retrouvé de nouvelles antiquités. Jusqu’alors elle est parvenue à remettre la main sur 221 objets mais des centaines manquent toujours à l’appel.
Redoutant qu’elles ne réapparaissent sur le marché noir des collectionneurs, l’UNESCO "rappelle que les objets provenant du musée sont identifiés et enregistrés au niveau international, et qu’en tant que telles les ventes à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Égypte sont illégales".
Dans la pièce principale du musée, chaque centimètre du sol est toujours recouvert de bris de verre, sur lesquels gisent des promontoires en bois renversés. Et le même décor dévasté s’offre au regard dans les deux pièces attenantes et celle à l’étage.
Devant la porte à l’entrée du musée qui porte encore des impacts de balles, Khalil Hussein, en charge de la sécurité, contemple en silence la rue où gisent des carcasses calcinées de voitures retournées.
"Le lendemain de l’attaque, une délégation officielle est venue constater les dégâts. Au même moment, un tireur embusqué a abattu notre collègue Sameh Ahmed Abdel Hafiz, qui tenait la billetterie, alors qu’il se trouvait dans la cour", raconte-t-il.
Lors de la révolte qui avait renversé Hosni Moubarak, début 2011, plusieurs musées avaient été pillés, notamment celui du Caire situé aux abords de l’emblématique place Tahrir, épicentre des manifestations.

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