« Personne à l'Ouest n'a envie d'entrer en guerre avec la Russie.
L'escalade risque de ne conduire qu'à plus de violences, plus
d'émigration », renchérit Julien Barnes-Dacey, analyste à l'European
Council on Foreign Relations de Londres. Dans l'immédiat, chaque camp se
bâtit sa « sphère d'influence », les Russes dans l'ouest de la Syrie où
se trouve Bashar el-Assad, et les Occidentaux dans la partie orientale
où ils vont poursuivre, voire intensifier, leurs frappes contre le
groupe État islamique. « Mais tout le monde reconnaît qu'on ne peut
traiter la question de l'EI sans s'occuper plus largement de celle de la
Syrie et que Russes et Occidentaux vont devoir coopérer », poursuit
Julien Barnes-Dacey. La Russie porte aussi une « lourde responsabilité »
dans la crise, selon l'expert, car sa campagne de frappes risque de
décupler la menace djihadiste. « Espérons que Moscou fasse pression sur
Assad pour mettre fin aux bombardements de civils à coups de barils
d'explosifs et pour ouvrir la voie à une aide humanitaire qui offre une
alternative (à celle) des groupes djihadistes », esquisse M.
Barnes-Dacey.
Si le maître du Kremlin, Vladimir Poutine, a repris spectaculairement la
main sur la scène internationale en proposant une large coalition
contre l'EI à la tribune de l'ONU, puis en lançant ses raids en Syrie,
il n'est pas assuré non plus de gagner la partie. Il peut remettre
Bashar el-Assad en selle, consolider les intérêts stratégiques de la
Russie dans la région et apparaître en position de force à la table des
négociations. Mais si cette manoeuvre ne marche pas comme prévu - « sur
le terrain, ils se rendent compte à quel point Bashar el-Assad est
faible » -, les Russes peuvent aussi décider « d'ouvrir le jeu pour un
rapprochement des positions », relève Camille Grand, directeur de la
Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris. Selon lui, la
stratégie russe - faite de soutien ouvert à Bashar et de recours brutal à
la force - « n'est pas assez nuancée pour marcher » : « La rhétorique
de la croisade, c'est catastrophique. »
« Mais Poutine sait aussi être pragmatique. En Ukraine, il a à un
certain point joué Minsk (processus de paix, NDLR) en se disant qu'il
était plutôt en position de force ou qu'il pouvait obtenir plus que dans
six mois », souligne le chercheur. Si la diplomatie reprend ses droits,
les protagonistes de la crise pourraient s'inspirer du format utilisé
dans le dossier nucléaire iranien, le « P 5 + 1 » (les cinq membres du
Conseil de sécurité et l'Allemagne) qui a négocié avec Téhéran. « Il est
temps de ressortir ce format qui a fait ses preuves dans d'autres
crises réputées insolubles (...) et qui permettrait d'associer l'Iran,
acteur clé en Syrie sans lequel aucune solution n'est possible »,
considère Eugene Rumer du centre d'études et d'analyses américain
Carnegie.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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