samedi 10 octobre 2015

Syrie : S'inspirer du dossier sur le nucléaire iranien

« Personne à l'Ouest n'a envie d'entrer en guerre avec la Russie. L'escalade risque de ne conduire qu'à plus de violences, plus d'émigration », renchérit Julien Barnes-Dacey, analyste à l'European Council on Foreign Relations de Londres. Dans l'immédiat, chaque camp se bâtit sa « sphère d'influence », les Russes dans l'ouest de la Syrie où se trouve Bashar el-Assad, et les Occidentaux dans la partie orientale où ils vont poursuivre, voire intensifier, leurs frappes contre le groupe État islamique. « Mais tout le monde reconnaît qu'on ne peut traiter la question de l'EI sans s'occuper plus largement de celle de la Syrie et que Russes et Occidentaux vont devoir coopérer », poursuit Julien Barnes-Dacey. La Russie porte aussi une « lourde responsabilité » dans la crise, selon l'expert, car sa campagne de frappes risque de décupler la menace djihadiste. « Espérons que Moscou fasse pression sur Assad pour mettre fin aux bombardements de civils à coups de barils d'explosifs et pour ouvrir la voie à une aide humanitaire qui offre une alternative (à celle) des groupes djihadistes », esquisse M. Barnes-Dacey.
Si le maître du Kremlin, Vladimir Poutine, a repris spectaculairement la main sur la scène internationale en proposant une large coalition contre l'EI à la tribune de l'ONU, puis en lançant ses raids en Syrie, il n'est pas assuré non plus de gagner la partie. Il peut remettre Bashar el-Assad en selle, consolider les intérêts stratégiques de la Russie dans la région et apparaître en position de force à la table des négociations. Mais si cette manoeuvre ne marche pas comme prévu - « sur le terrain, ils se rendent compte à quel point Bashar el-Assad est faible » -, les Russes peuvent aussi décider « d'ouvrir le jeu pour un rapprochement des positions », relève Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris. Selon lui, la stratégie russe - faite de soutien ouvert à Bashar et de recours brutal à la force - « n'est pas assez nuancée pour marcher » : « La rhétorique de la croisade, c'est catastrophique. »
« Mais Poutine sait aussi être pragmatique. En Ukraine, il a à un certain point joué Minsk (processus de paix, NDLR) en se disant qu'il était plutôt en position de force ou qu'il pouvait obtenir plus que dans six mois », souligne le chercheur. Si la diplomatie reprend ses droits, les protagonistes de la crise pourraient s'inspirer du format utilisé dans le dossier nucléaire iranien, le « P 5 + 1 » (les cinq membres du Conseil de sécurité et l'Allemagne) qui a négocié avec Téhéran. « Il est temps de ressortir ce format qui a fait ses preuves dans d'autres crises réputées insolubles (...) et qui permettrait d'associer l'Iran, acteur clé en Syrie sans lequel aucune solution n'est possible », considère Eugene Rumer du centre d'études et d'analyses américain Carnegie.

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