Dans un geste historique et inédit, le pape François a réuni dimanche
dans les jardins du Vatican les présidents israélien Shimon Peres et
palestinien Mahmud Abbas pour "une invocation pour la paix" dans le
Proche Orient profondément divisé. Même si aucun fruit immédiat n’est
attendu pour relancer le processus de paix entre Israéliens et
Palestiniens, les deux présidents ont semblé heureux de se retrouver en
présence du pape François à la résidence Sainte-Marthe. Ils sont apparus
détendus quand ils sont montés avec lui et le patriarche orthodoxe de
Constantinople, Bartholomée, dans un minibus blanc pour rejoindre le
lieu de la rencontre, situé dans les jardins, près des Musées du
Vatican.
Assis côte à côte, devant leurs délégations alignées sur chaque côté
de la pelouse, ils ont suivi, très recueillis, les prières psalmodiées
en hébreu par des rabbins, accompagnées par un orchestre de cordes qui
jouait divers airs, notamment le célèbre air juif invitant à la paix
"Shalom Aleichem". Des psaumes du roi David, une prière de repentir du
Yom kippour et une prière d’un rabbin ukrainien, Nahman de Breslavia,
datant du début du XIXème siècle, ont retenti au coucher du soleil, à
l’abri de haies de lauriers.
Puis, dans un ordre respectant la chronologie des trois religions, ce
fut le tour des représentants des chrétiens, qui, commençant par
Bartholomée, se sont exprimés en anglais, italien et arabe. Ils ont
notamment lu une prière de Saint-François d’Assise et un texte de Jean
Paul II sur la repentance "pour les mots et attitudes causées par la
haine, l’orgueil, le désir de dominer les autres". Avant de nouveaux
intermèdes musicaux. Les musulmans ont prié sur les mêmes thèmes, en
arabe : "Oh Seigneur, apporte la paix au pays de la paix (...) et abolis
l’injustice contre les opprimés de cette terre", affirmait une des
prières.
Il avait été prévu que les trois religions prieraient tour à tour et
chacun sur trois thèmes choisis en commun : celui de la "création" qui
les rend tous frères, celui de la "demande de pardon", et enfin celui de
"l’invocation pour la paix". Des thèmes qui se retouvent dans les trois
"religions du Livre". Réaliste quant aux fortes tensions entre
Palestiniens et Israéliens, le pape avait prévenu par avance que ce
n’était nullement une "médiation", ce qui serait "une folie". Les
efforts de paix sur le terrain sont dans l’impasse, comme l’ont reconnu
Shimon Peres et Mahmud Abbas.
Dans un tweet samedi, le pape avait exprimé son voeu : "la prière
peut tout. Utilisons-là pour porter la paix au Moyen-Orient et dans le
monde entier". A des dizaines de milliers de fidèles dimanche sur la
place Saint-Pierre, il a demandé de s’associer à cette "supplique" par
leur prière.
Le Vatican a défini la rencontre comme une "invocation pour la paix"
pour éviter qu’elle soit assimilée à une "prière interreligieuse" posant
des problèmes inextricables aux trois religions. Les deux présidents et
le pape devaient ensuite lancer chacun leur "invocation pour la paix".
Après une rencontre à huis clos à la Casina Pie IV, un pavillon tout
proche, les deux présidents quitteront le Vatican. Le Saint-Siège entend
proposer "une pause dans la politique". "Personne n’a l’illusion que
dès lundi la paix s’imposera. Cette respiration était souhaitée", avait
expliqué le père Pizzaballa. L’événement est sans précédent au Vatican.
L’invocation s’est déroulé avec "la participation spirituelle" du pape
émérite Benoît XVI, retiré au Vatican, a-t-on indiqué.
Plusieurs écueils étaient à éviter. La date était complexe : ni un
vendredi, jour férié musulman, ni un samedi, Shabbat pour les Juifs. Un
lieu neutre devait enfin être trouvé. Toute salle porteuse de fresques
chrétiennes était proscrite et il fallait éviter que la prière soit
dirigée vers l’Est, direction de La Mecque. D’où le choix des jardins.
Toute surprise ou propos offensants dans les textes prononcés
devaient aussi être évités. "Chaque délégation a choisi ses textes. Il y
a une transparence absolue dans les prières, et pas de surprises
attendues", avaient assuré les organisateurs.
(08-06-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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