L’ex-chef de l’armée Abdel Fattah al-Sissi, élu président de l’Egypte
avec 96,9% des voix après avoir éliminé toute opposition, prête serment
dimanche au cours d’une cérémonie qui ne fera qu’entériner son pouvoir
de fait sur le pays depuis près d’un an.
En dehors de quelques souverains du Golfe, le président palestinien et
trois chefs d’Etats africains annoncés par les médias égyptiens
officiels, peu de personnalités sont attendues à la prestation de
serment devant la Cour constitutionnelle suprême au Caire dans la
matinée.
Le maréchal à la retraite Sissi est très populaire dans son pays depuis
qu’il a destitué et arrêté le 3 juillet le président islamiste Mohamed
Morsi. Son régime a réprimé dans le sang les partisans du président
déchu, surtout son influente confrérie des Frères musulmans, devenue la
bête noire de nombre d’Egyptiens.
M. Sissi a, sans surprise, remporté la présidentielle tenue les 26, 27
et 28 mai, mais seuls 47,5% des électeurs inscrits ont voté. Car le
pouvoir a éliminé toute opposition, islamiste, libérale ou laïque.
Les Occidentaux, Etats-Unis en tête, qui avaient hésité, avant d’y
renoncer, à qualifier la destitution de M. Morsi de "coup d’Etat" mais
dénoncé la répression, ont fini par entériner la prise du pouvoir par
M. Sissi. Et à se ranger à la nécessité de maintenir des relations
fortes avec le plus peuplé des pays arabes, stratégique dans le
processus de paix israélo-palestinien et allié-clé dans la lutte contre
le "terrorisme" islamiste.
Certes, pour justifier son coup de force, M. Sissi, qui jouit d’un
véritable culte de la personnalité, a invoqué les millions d’Egyptiens
qui avaient manifesté pour réclamer le départ de M. Morsi, accusé
d’avoir voulu accaparer tous les pouvoirs au profit des Frères musulmans
et d’islamiser à marche forcée la société.
Mais le nouveau pouvoir a éliminé progressivement toute opposition :
celle des Frères musulmans, qui avaient remporté toutes les élections
depuis la chute de Hosni Moubarak à l’issue de la révolte populaire
début 2011, mais aussi l’opposition libérale et laïque qui s’inquiétait
d’un retour à un régime policier.
Tant et si bien que les organisations internationales de défense des
droits de l’homme ont rapidement dénoncé le retour à un régime "plus
autoritaire" que celui de Moubarak.
Aussi, Washington et les capitales de l’Union européenne n’ont félicité
le nouvel élu que le lendemain ou le surlendemain de l’annonce de son
élection plus que triomphale, en insistant, à l’image de la Maison
Blanche, sur la nécessité de respecter au plus vite les droits de
l’homme.
Dimanche, les Etats-Unis ne seront représentés que par Thomas Shannon,
conseiller du secrétaire d’Etat John Kerry, un signe évident selon les
experts du malaise américain. Washington a assuré que "les Etats-Unis
veulent travailler avec le président élu", mais qu’ils vont "surveiller"
la "transition vers la démocratie" de l’Egypte.
Mêmes précautions de langage dans l’UE qui n’enverra pas de
représentants éminents. "Comme la plupart de ses partenaires, la France
sera représentée par son ambassadeur en Egypte", a par exemple
brièvement indiqué Paris.
En revanche, à l’exception du Qatar, les monarchies du Golfe qui ont
toujours exprimé un soutien sans faille -surtout financier- à M. Sissi
pourfendeur des Frères musulmans qu’ils redoutent sur leurs territoires,
seront représentées au plus haut niveau. L’Arabie saoudite par le
prince héritier Salmane ben Abdel Aziz, le Koweït par l’émir, cheikh
Sabah al-Ahmad al-Sabah, et Bahreïn par le roi Hamad ben Issa
al-Khalifa.
Le président palestinien Mahmud Abbas et le roi Abdallah II de Jordanie
doivent aussi assister à la cérémonie d’investiture qui sera suivie de
deux réceptions et cérémonies dans des palais présidentiels du Caire.
Les présidents de l’Erythrée Issaias Afeworki, de la Guinée équatoriale
Teodoro Obiang Nguema et du Tchad Idriss Deby sont également annoncés.
Depuis que la destitution de M. Morsi, plus de 1400 pro-Morsi ont été
tués dans des manifestations, plus de 15.000 Frères musulmans
emprisonnés, dont la quasi-totalité de leurs leaders qui encourent la
peine capitale, et des centaines ont été condamnés à mort en quelques
minutes dans des procès de masse qualifiés par l’ONU de "sans précédent
dans l’Histoire récente" de l’Humanité.
(08-06-2014)
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