Le président américain Barack Obama a pris le monde par surprise en
annonçant sa décision de principe de frappes contre la Syrie, mais pas
avant un feu vert du Congrès, écartant ainsi une action militaire à
court terme.
Juste avant cette déclaration présidentielle, que personne à Washington
n’avait anticipée, la Syrie avait martelé que son armée était
"mobilisée", le "doigt sur la gâchette" face à l’éventualité d’une
frappe. Les alliés russe et iranien de Damas avaient même renouvelé
leurs mises en garde aux Etats-Unis.
Après dix jours de montée de fièvre consécutive à un massacre aux armes
chimiques le 21 août attribué à Damas, M. Obama a déclaré solennellement
depuis la Roseraie de la Maison Blanche avoir "décidé que les
Etats-Unis devraient agir militairement contre des cibles du régime
syrien".
Washington, a-t-il affirmé, est "prêt à frapper quand nous le choisirons
(...) demain, la semaine prochaine ou le mois prochain".
Mais quelques secondes plus tard, le président, grand sceptique de
l’interventionnisme militaire à tout crin, a fait part de sa "seconde
décision" : "Je vais demander l’autorisation des représentants des
Américains au Congrès pour un usage de la force", a-t-il annoncé en
exhortant les élus à soutenir cette demande au nom de la "sécurité
nationale" des Etats-Unis.
Avant ce coup de théâtre, M. Obama avait appelé son homologue français
François Hollande, a confié un responsable de la Maison Blanche. La
France, que le secrétaire d’Etat John Kerry avait qualifiée vendredi de
"plus ancienne alliée de l’Amérique", est en effet propulsée en première
ligne aux côtés des Etats-Unis pour une éventuelle action militaire
contre la Syrie, après le forfait du Royaume-Uni.
Le Premier ministre britannique David Cameron, qui avait subi un
camouflet jeudi devant son Parlement ayant rejeté une intervention
militaire, a écrit samedi soir sur Twitter "comprendre et soutenir la
position" du président Obama.
Vendredi encore, la perspective d’une frappe ciblée et "limitée"
semblait très proche, le président Obama, son chef de la diplomatie John
Kerry et le président Hollande paraissant déterminés à agir face au
régime syrien accusé de "crimes contre l’humanité" pour avoir "gazé" son
peuple.
Ces éventuelles frappes visent, avaient réaffirmé Washington et Paris,
non pas à renverser le président Bashar al-Assad, mais à le dissuader de
recourir de nouveau à son arsenal chimique, le plus important du
Moyen-Orient selon les Américains.
Vendredi, M. Hollande n’avait pas exclu une opération armée avant le 4
septembre, date de la session extraordinaire du Parlement français sur
la Syrie, dont le conflit a fait plus de 100.000 morts en deux ans et
demi.
Mais le débat à la Chambre des représentants américaine - la chambre
basse du Congrès - voulu par M. Obama ne débutera pas avant le 9
septembre.
Quoi qu’il en soit, ce vote au Congrès - à l’issue très incertaine -
interviendra après le sommet du G20 des 5 et 6 septembre à
Saint-Pétersbourg, en présence du président russe Vladimir Poutine et du
président Obama.
Le chef de l’Etat russe, allié principal de la Syrie, a qualifié samedi
d’"absurdité totale" les accusations d’attaque chimique visant Damas,
rejetant l’idée que l’armée syrienne ait pu "fournir un tel prétexte" à
une intervention étrangère. M. Poutine a demandé aux Etats-Unis de
montrer leurs preuves à l’ONU. Faute de quoi, "cela veut dire qu’il n’y
en a pas", a insisté le président russe qui a dépêché deux nouveaux
bateaux de guerre en Méditerranée.
A l’instar de l’opposition syrienne, les Etats-Unis, les pays européens
et de nombreux pays arabes sont convaincus que la Syrie a eu recours à
des gaz toxiques le 21 août près de Damas. Un rapport des services de
renseignement américains a fait état de 1.429 morts, dont 426 enfants,
dans cette attaque. Evoquant un bilan encore provisoire, l’Observatoire
syrien des droits de l’Homme (OSDH) a de son côté indiqué samedi avoir
recensé plus de 500 tués, dont 80 enfants.
Qualifiant ces allégations de "mensonges" et accusant en retour les
rebelles, le régime syrien a promis samedi de répondre à d’éventuelles
frappes. "L’armée est prête à faire face à tous les défis et à tous les
scénarios", a ainsi menacé le Premier ministre syrien Waël al-Halqi dans
une déclaration écrite, à la télévision d’Etat, ajoutant : "Elle a le
doigt sur la gâchette".
De son côté, l’Iran, autre allié de la Syrie, a de lancé un avertissement aux Etats-Unis, sa bête noire.
"Le fait que les Américains croient qu’une intervention militaire sera
limitée à l’intérieur des frontières de la Syrie est une illusion, elle
provoquera des réactions au-delà de ce pays", a déclaré le commandant
Mohammad Ali Jafari, le chef des Gardiens de la révolution islamique,
l’armée d’élite de Téhéran.
Les experts de l’ONU chargés d’enquêter sur l’attaque chimique du 21
août avaient quitté la Syrie samedi, après avoir recueilli témoignages
et échantillons de cheveux et urine de victimes présumées. Ils ne
tireront "aucune conclusion" avant le résultat d’analyses en laboratoire
actuellement en cours, a précisé un porte-parole de l’ONU. Des analyses
qui pourraient prendre "jusqu’à trois semaines" selon l’Organisation
pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).
Ces derniers jours, les Etats-Unis avaient renforcé leurs capacités près
des côtes syriennes où ils disposent désormais de cinq destroyers
équipés de missiles de croisière capables de mener des attaques ciblées
contre des dépôts de munitions ou des infrastructures stratégiques du
régime.
A Damas, les habitants, habitués au bruit des explosions en raison des
combats incessants entre rebelles et soldats en banlieue ou dans des
quartiers périphériques, redoutaient une frappe. "Rester à Damas et
attendre les coups, c’est terrifiant", a ainsi dit Joséphine, une mère
de famille de 50 ans, qui a décidé de partir au Liban voisin avec ses
enfants.
A la frontière libanaise, des journalistes de l’AFP ont vu des dizaines
de familles syriennes passer samedi matin, dans un afflux régulier de
voitures surchargées, passagers hagards et coffres ouverts débordant de
sacs et de valises.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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