Radio Al-Salam, installée à An Kawah, dans la banlieue d'Erbil, la
capitale du Kurdistan irakien, s'adresse à ceux qui ont tout perdu en
fuyant la barbarie de Daesh. « Nous émettons dans un rayon de 80
kilomètres, les personnes vivant sous le joug de l'État islamique
peuvent donc nous écouter, à condition que les djihadistes leur aient
laissé leurs postes de radio », note Vincent Gelot, coordinateur de
cette radio, lancée en avril dernier par la Guilde du raid, Radios Sans
frontières, l'Oeuvre d'Orient et la Fondation Raoul Follereau. Depuis
plus d'un an, les habitants d'Erbil (ils sont plus d'un million) se sont
habitués à vivre à quelques kilomètres de leurs pires ennemis.
L'entretien se déroule au café Barista, installé dans la même rue que le
consulat américain. Les consommateurs s'y bousculent, y compris en
terrasse, alors que l'établissement a été soufflé en avril dernier par
un attentat à la voiture piégée, faisant quatre morts et une vingtaine
de blessés. Un attentat commandité par un religieux kurde d'Erbil, qui a
rejoint Daesh. Malgré la guerre, les relations n'ont pas été totalement
rompues avec l'organisation État islamique. Il suffit de prendre la
route en direction de Makhmur, au sud, vers la ligne de front, pour
constater que les lignes électriques, par exemple, ne s'arrêtent pas à
la frontière.
« L'État islamique n'est pas qu'une organisation terroriste. C'est
presque un pays, deux fois plus grand que la Grande-Bretagne et peuplé
de 8 à 10 millions d'habitants. Nous partageons avec lui 1 050
kilomètres de frontières », souligne Amir A Grgies, membre du bureau
politique du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), la formation
politique qui domine la vie politique locale. En clair, la région
autonome du Kurdistan est contrainte de traiter avec le régime du calife
autoproclamé Abou Bakr al-Bagdadi.
« Nous avons notamment négocié afin de pouvoir récupérer les corps des
peshmergas tués au combat. Et plus récemment, pour tenter de faire
libérer 25 de nos soldats tombés entre leurs mains. En vain. Non
seulement l'État islamique n'a pas tenu sa parole, mais il a décapité 8
peshmergas en septembre », dénonce Dara Barawy, également membre du
bureau politique du PDK. Des pourparlers d'autant plus difficiles que
Daesh, de son côté, se désintéresse totalement des djihadistes capturés
par les Kurdes.
Ne pas couper l'eau et l'électricité à Mossoul
Les combattants islamistes préfèrent se suicider plutôt que de tomber
aux mains de leurs adversaires. Toutefois, les Kurdes reconnaissent
qu'ils font parfois des prisonniers. Ces derniers parlent-ils ? Nous
n'obtiendrons pas de réponse. « Ils sont traités comme des prisonniers
de guerre », se contentent de répondre les autorités kurdes. Pour la
première fois, 43 combattants de l'organisation État islamiques se sont
rendus, il y a quelques jours dans la zone de Makhmur. « Ils ont
traversé une rivière, qui délimite actuellement la frontière, pour nous
rejoindre. Ce ne sont pas des étrangers, mais des Irakiens. Ils
affirment avoir été enrôlés de force par Daesh. Disent-ils la vérité ? »
s'interroge Dara Barawy.
Les négociations avec l'EI portent principalement sur des problèmes
d'eau, d'irrigation, et d'approvisionnement en électricité. Au début
d'août 2014, Daesh s'était emparé du barrage de Mossoul, le plus grand
barrage d'Irak, qui peut contenir jusqu'à 10 000 millions de m3 d'eau.
Quelques semaines plus tard, les Kurdes ont réussi à le reprendre, à
l'issue de combats meurtriers. « Nous pourrions assécher de vastes zones
agricoles de l'État islamique. Mais nous ne le ferons pas. Mossoul
compte 2 millions d'habitants. Nous n'allons pas les empêcher de vivre
en leur coupant l'eau et l'électricité. 90 % d'entre eux ne sont pas des
partisans de Daesh », lâche le général Aziz Weysi, blessé à deux
reprises dans les combats contre les djihadistes.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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