En envisageant pour la première fois que des forces de Bashar el-Assad
puissent être associées à la lutte contre le groupe djihadiste État
islamique (EI), la France, qui a rompu toute relation avec Damas depuis
2012, opère un nouveau virage dans son approche du conflit syrien. Pour
lutter contre l'EI, « il y a deux séries de mesures : les bombardements
(...) et des forces au sol, qui ne peuvent pas être les nôtres, mais qui
peuvent être à la fois des forces de l'Armée syrienne libre
(opposition), des forces arabes sunnites, et pourquoi pas des forces du
régime, et des Kurdes également bien sûr », a déclaré vendredi le chef
de la diplomatie française, Laurent Fabius, à la radio RTL.
Le ministre a précisé par la suite dans une déclaration à l'AFP qu'une
participation des forces du régime syrien ne pouvait être envisagée que «
dans le cadre de la transition politique », et a répété son leitmotiv
selon lequel le président Bashar el-Assad ne pouvait pas « faire partie
de l'avenir de la Syrie ». Pour Paris, une collaboration avec l'armée
syrienne ne pourrait donc se faire qu'une fois engagée une transition
politique, transition politique qui ne peut avoir comme issue que le
départ du président Assad, selon l'analyse française.
Il n'empêche : ces déclarations surprennent dans la bouche de celui qui
s'est toujours montré comme le détracteur le plus farouche du président
Assad, considéré comme le « boucher » de son propre peuple et la cause
de l'émergence de l'État islamique. « Assad et les terroristes, c'est
l'envers d'une même médaille », avait coutume de répéter Laurent Fabius.
Confrontée à la crise des réfugiés et à la menace djihadiste, la France a
nettement infléchi sa diplomatie envers la Syrie depuis plusieurs mois.
Les sanglants attentats du 13 novembre à Paris ont précipité le virage
de la politique française, le président François Hollande annonçant
clairement que la priorité absolue était donnée à la lutte contre l'EI. «
Notre ennemi en Syrie, c'est Daech » (acronyme arabe de l'État
islamique), avait-il déclaré devant les parlementaires français trois
jours après les attentats.
Rapprochement franco-russe
La France s'est aussi spectaculairement rapprochée de la Russie, fidèle
allié du régime de Damas, en reprenant à son compte l'idée d'une
coopération, voire d'une coalition internationale unique pour lutter
contre les jihadistes. Une proposition qu'avait faite Moscou en
septembre lors de l'Assemblée générale des Nations unies, mais qui avait
été rejetée à l'époque en raison de la volonté russe d'associer le
régime syrien à la lutte contre l'EI.
Les déclarations de Laurent Fabius interviennent au lendemain d'un
voyage en Russie du président français au cours duquel Paris et Moscou
ont décidé de « coordonner » leurs frappes aériennes en Syrie contre les
jihadistes de l'EI. Une telle coopération est inédite. La Russie,
accusée par les Occidentaux de ne frapper que modérément l'EI et de
concentrer ses opérations sur les autres groupes rebelles menaçant le
régime de Damas, va s'« abstenir » de bombarder « l'opposition saine », a
promis Vladimir Poutine. Tout en précisant bien que l'armée syrienne
était un « allié naturel dans la lutte contre le terrorisme ». « Le
président Poutine nous a demandé d'établir une carte des forces qui ne
sont pas terroristes et qui combattent Daech », a précisé vendredi
Laurent Fabius. « Il s'est engagé - dès lors que nous lui fournissons
cette carte, ce que nous allons faire - à ne pas bombarder ceux-là,
c'est très important », a-t-il insisté.
Reste que Paris et Moscou n'ont pas trouvé d'accord sur la coalition
large voulue par François Hollande ni sur le sort de Bashar. «
Malheureusement, nos partenaires ne sont actuellement pas prêts à
travailler ensemble au sein d'une coalition unique », a répété vendredi
le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Quant au sort d'Assad, Moscou
répète que c'est aux Syriens de décider.
La communauté internationale a relancé une dynamique pour trouver une
solution politique à la guerre syrienne, avec deux réunions
internationales à Vienne, en octobre et novembre, associant pour la
première fois l'Iran, autre grand allié de Damas. Une feuille de route
prévoyant une rencontre entre opposition et éléments du régime d'ici le
1er janvier, la mise en place d'un gouvernement d'union d'ici six mois,
une nouvelle Constitution et des élections dans les 18 mois, a été
agréée.
Paris, qui a longtemps réclamé le départ d'Assad comme préalable à toute
négociation, a abandonné cette exigence il y a quelques mois. Mais
Laurent Fabius s'est dit confiant dans le fait qu'un processus politique
aboutirait à son départ. « Il n'y a aucune chance, si l'élection est
régulière, que Bashar soit élu », a-t-il estimé.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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