samedi 28 novembre 2015

Syrie: Le groupe EI chassé, des villageois tentent de reprendre une vie normale

Dans la cour de sa maison, Baïda, une fillette de quatre ans, griffonne sur un dépliant de consignes religieuses que le groupe Etat islamique (EI) distribuait aux habitants de son village du nord-est de la Syrie avant d'en être chassé.
A ses côtés, son père Hamdane, 39 ans, se félicite du départ de l'EI d'al-Challal à la suite d'une offensive des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui regroupent des factions arabes et kurdes appuyées par les Etats-Unis.
"Nous sommes contents parce que nous ne les voyons plus dans notre village", lance Hamdane en regardant sa fille qui a été maquillée pour fêter le départ des jihadistes.
"Du temps de l'EI, le maquillage était interdit", ajoute ce père de neuf enfants qui n'a pas pu quitter son village durant les près de deux ans d'occupation par les jihadistes.
Lors de l'offensive lancée le 30 octobre dans la province de Hassaké, les FDS ont pris plusieurs villages avant de s'emparer mi-novembre d'al-Hol, une ville contrôlée par l'EI depuis début 2014 et située sur la route d'approvisionnement en armes et en matériel de l'EI entre la Syrie et l'Irak.
La région est toute proche de la frontière avec l'Irak, un pays où l'EI contrôle comme en Syrie de vastes territoires.
C'était la première victoire stratégique pour cette nouvelle coalition syrienne, mais aussi un soulagement pour les habitants de la région qui espèrent pouvoir reprendre une vie normale.


Niqab ou flagellation
Durant l'occupation des jihadistes, Hamdane était contraint de se plier aux règles strictes imposées par l'EI.
Il a été ainsi obligé d'envoyer ses enfants de moins de douze ans dans une école religieuse administrée par les jihadistes, faute de quoi il risquait "la punition et la flagellation", dit-il.
Malgré le départ des extrémistes, qui ont fui vers le sud de la province de Hassaké, Mariam Ali Ahmad les craint toujours.
Si cette femme de 42 ans peut à nouveau arborer une longue robe multicolore, l'habit traditionnel dans cette région rurale conservatrice, elle préfère cacher son visage avec le foulard qui couvre sa tête.
Elle raconte que les jihadistes fouettaient toute femme qui sortait sans l'abbaya noire et le niqab.
"La situation est relativement meilleure", dit Mariam qui précise cependant avoir beaucoup perdu lors des combats entre les jihadistes et les FDS mi-novembre.
"Nous avons quitté le village durant les affrontements. Une roquette s'est abattue sur la maison, endommageant nos réserves de nourriture. Nous avons perdu les lentilles, la farine, l'orge pour nourrir les moutons. Nous n'avons plus de quoi manger", déplore-t-elle.

"Belles dans votre chasteté"
Alors que l'agriculture et l'élevage représentent la source principale de revenu des habitants de la région, en plus du commerce des hydrocarbures, Hamid al-Nasser raconte l'état de désolation dans lequel se trouvent ses terres.
"Depuis deux ans, je n'ai pas pu faire des semences sur mes terres", déplore cet agriculteur de 44 ans.
Selon lui, les jihadistes ont interdit aux paysans de sortir des zones qu'ils contrôlaient, l'empêchant ainsi de se procurer des semences et du diesel pour faire fonctionner les machines agricoles.
Les signes de la présence jihadiste sont encore présents un peu partout dans le village aux maisons en torchis.
"Dans le califat, pas de pots-de vin, pas de corruption, pas de favoritisme", peut-on lire sur un mur. "Soeurs au niqab, comme vous êtes belles et merveilleuses dans votre chasteté", indique une pancarte.
Et sur les façades des salons de coiffure, les jihadistes tenaient à rappeler aux hommes qu'il était "interdit de raser la barbe ou la tailler".
Les habitants qui avaient fui à l'arrivée des jihadistes reviennent progressivement après avoir obtenu l'autorisation des FDS.
"Nous encourageons le retour de tous les habitants", affirme le colonel Talal Ali Sello, porte-parole des FDS. Des équipes de démineurs nettoient la zone où des mines et engins piégés ont été découverts.
Et en parallèle à la force militaire, les FDS oeuvrent actuellement à former une "structure politique pour gérer les zones libérées", explique le colonel.

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