Daech dit le groupe Etat islamique (EI) a de nouveau pris pour
cible la jeune démocratie tunisienne en revendiquant mercredi
l'attaque-suicide qui a tué la veille 12 membres de la sécurité
présidentielle en plein Tunis.
Il s'agit du troisième attentat d'envergure à être revendiqué par le
groupe extrémiste cette année après ceux du musée du Bardo en mars et de
Sousse en juin, qui avaient fait 60 morts.
L'état d'urgence a été dans la foulée rétabli dans tout le pays et un couvre-feu imposé dans le Grand Tunis.
Dans un communiqué diffusé sur des comptes jihadistes, l'EI affirme que
l'auteur de l'attentat, un Tunisien identifié comme "Abou Abdallah
al-Tounissi" et muni d'une ceinture d'explosifs, s'est introduit dans le
véhicule et "s'est fait exploser".
Le groupe a publié une photo de cet homme habillé de blanc et portant la
ceinture d'explosifs, le doigt levé, la tête et le visage couverts par
un foulard.
Auparavant, le ministère de l'Intérieur avait indiqué que l'attaque
avait été perpétrée à l'aide d'une ceinture de 10 kilos d'explosifs,
composés de Semtex, un produit très puissant.
En matinée, les autorités avaient par ailleurs annoncé la découverte
d'une treizième dépouille en cours d'identification, relevant qu'il
pourrait s'agir du corps d'un "terroriste".
Très grave
Le Premier ministre Habib Essid a reconnu que cet attentat constituait un nouveau coup dur.
Au Bardo et à Sousse, "le but était de troubler le processus
démocratique, (...) le secteur du tourisme", a-t-il déclaré. Celui de
mardi "est d?un autre genre" car "il a visé un des symboles de l?Etat.
(...) C'est grave, très grave". "Leur but est de déstabiliser l?Etat, de
frapper l?institution de la présidence de la République", selon lui.
Sous le choc, la presse a appelé à l'union nationale et à la résistance,
ainsi qu'à "une nouvelle philosophie et des mesures spéciales" pour
lutter "contre le terrorisme".
Le chef de l'Etat Béji Caïd Essebsi a réuni mercredi le Conseil de
sécurité nationale "afin de prendre les décisions nécessaires pour faire
face à cette situation".
Il avait déjà annoncé mardi soir le rétablissement de l'état d'urgence,
levé il y a moins de deux mois, ainsi qu'un couvre-feu dans le Grand
Tunis de 21H00 à 05H00 du matin.
Une cérémonie d'hommage national a été organisée mercredi après-midi au
palais présidentiel, lors de laquelle les 12 gardes ont été décorés à
titre posthume.
Parmi les centaines de personnes présentes, dont les familles, beaucoup
étaient en pleurs devant les 12 cercueils recouverts du drapeau tunisien
et accompagnés des portraits des défunts.
"La Tunisie vaincra le terrorisme", a assuré Béji Caïd Essebsi.
De nombreux pays lui ont apporté leur soutien. "Les terroristes
cherchent à utiliser la peur et la violence pour saper les avancées
importantes que les Tunisiens ont réalisées vers un pays démocratique,
stable et prospère", a réagi la Maison Blanche. "A Tunis comme à Paris,
c'est le même combat pour la démocratie contre l'obscurantisme", a
souligné le président français François Hollande.
La Tunisie, décrite comme un modèle pour sa transition démocratique, est
devenue une cible privilégiée des jihadistes depuis sa révolution en
janvier 2011.
Ils ont depuis tué plusieurs dizaines de membres des forces de l'ordre,
notamment 15 soldats en juillet 2014 sur le mont Chaambi (centre-ouest),
une attaque revendiquée par un groupe lié à Al-Qaïda.
Décisions improvisées
Les autorités annoncent régulièrement des arrestations de jihadistes
présumés. Mais la Tunisie compte des milliers de ressortissants
combattant dans les rangs de groupes extrémistes en Irak, en Syrie et en
Libye, pays voisin où le chaos a permis l'émergence du groupe EI.
Deux syndicats des forces de sécurité ont fait porter la responsabilité
des morts "au gouvernement et aux différents politiques en raison de
leurs décisions improvisées et des nominations aléatoires".
Et sur les lieux de l'attentat, un agent a regretté mardi soir que les
autorités n'aient pas changé le lieu de la relève de la garde alors que
"nous sommes les premiers à être ciblés".
La centrale syndicale UGTT a pour sa part annoncé l'annulation des grèves et rassemblements prévus mercredi.
Les organisateurs des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) ont
en revanche annoncé la poursuite de ce festival international, "seule
manière de répondre à ces actes barbares", a dit à l'AFP son directeur
Ibrahim Letaïef.
Sur le site de l'attentat, bouclé, des gerbes de fleurs ont été déposées
sur les barricades, tandis que la circulation avait repris à proximité,
en particulier sur l'avenue Mohamed-V, une artère très fréquentée de la
capitale.
(25-11-2015)
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