Il est l'une des figures de la gauche tunisienne. Opposant résolu au
gouvernement d'Habib Essid ainsi qu'à l'alliance entre Nidaa Tounes et
les islamistes d'Ennahda, ce député du Front populaire, membre du Parti
des travailleurs, proche par le cœur du syndicat primé par l'académie
suédoise, Jilani Hammami décrypte cette récompense non sans masquer les
problèmes actuels que traverse la Tunisie.
Que vous inspire ce prix Nobel attribué au quartet ?
Il s'agit d'une récompense méritée. Le quartet est né du contexte de
2013, après l'assassinat du député Brahmi. Il fallait répondre aux
inquiétudes des Tunisiens qui étaient dans la rue, ces femmes, ces
jeunes qui manifestaient contre le gouvernement d'Ali Larayedh devant le
Bardo. Il fallait résoudre les problèmes nombreux liés à la rédaction
de la Constitution qu'Ennahda voulait influencer. Il fallait stopper la
violence. Le quartet a joué un rôle très important en apportant une
réponse à un problème temporaire.
Ce dialogue national doit-il reprendre ?
Aujourd'hui, on se rend compte que le dialogue national n'a pas résolu
les problèmes de fond. Aujourd'hui, la situation est grave pour la
Tunisie. Cette récompense ne va pas se résoudre avec un quartet ou un
dialogue national. Il n'est pas possible de discuter d'un consensus, car
le pays est face à deux orientations : continuer une politique
expérimentée durant cinquante ans et que le pouvoir actuel souhaite
poursuivre ; opter pour de nouveaux choix radicaux que propose le Front
populaire. En 2015, la Tunisie est à l'heure des grands choix, plus du
consensus.
L'UGTT et l'Utica, syndicats de travailleurs et patronat,
s'opposent ouvertement depuis plusieurs mois. Faut-il un dialogue social
?
C'est une tradition tunisienne que ce dialogue Utica-UGTT sous l'égide
du gouvernement. De nombreux rounds de négociations se succèdent. Le
dialogue est actuellement bloqué parce que les points de vue ne se
rapprochent pas. De plus, le gouvernement voit son budget se réduire de
façon importante, ce qui ne lui laisse pas beaucoup de marge de
manœuvre. Mais ça va se débloquer. L'accord pour la fonction publique a
été signé. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour le secteur privé.
Les patrons tunisiens ne veulent pas augmenter les salaires qui sont
pourtant très bas.
Ce prix Nobel peut-il améliorer les négociations sociales ?
Soyons clairs : c'est une récompense honorifique. En tant que
syndicaliste, j'étais membre de l'UGTT. Je considère que c'est une
réussite. Mais aujourd'hui, le problème dépasse de loin cette
récompense. Le quartet (les quatre partis qui se partagent les
ministères : Nidaa Tounes, Ennahda, UPL, Afek Tounes, NDLR) au
gouvernement n'est pas prêt à prendre les mesures qui s'imposent.
L'année 2015/2016 sera très difficile. Tout le monde désespère de voir
un gouvernement qui ne prend pas d'initiatives. En Tunisie, l'hiver est
la saison de la colère sociale. Et je ne vous cache pas que je suis
inquiet.
Propos recueillis par Benoît Delmas
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire