Affrontements avec les forces d'occupation aux environs de Bethléem.
(Photo correspondant "Assawra")
En déclarant ne plus être lié par les accords avec Israël, le président palestinien Mahmud Abbas fait potentiellement table rase de décennies d'efforts de paix et ouvre la porte à de dangereuses incertitudes. Mais les actes suivront-ils ses paroles? s'interrogent les experts.
"Nous déclarons que nous ne pouvons continuer à nous tenir liés par ces accords, qu'Israël doit assumer toutes ses responsabilités en tant que puissante occupante parce que le statu quo ne peut plus durer", a déclaré M. Abbas mercredi devant l'assemblée générale de l'ONU.
S'agissait-il de la "bombe" que M. Abbas, frustré par des années de négociations infructueuses et des décennies d'attente d'un Etat indépendant, disait quelques jours plus tôt vouloir lâcher? Ou bien fallait-il voir là une menace qui, comme tant d'autres, ne serait jamais suivie d'effet tant les conséquences pourraient être graves?
"Les accords d'Oslo, c'est terminé, et les autres accords avec Israël aussi", a affirmé jeudi à l'AFP Mustapha Barghouti, membre de la direction palestinienne. Les dispositions en ce sens seront prises au retour de M. Abbas de New York, a certifié Ahmad Majdalani, autre dirigeant, sur la radio officielle.
Les experts attendent, eux, de voir. La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a indiqué interpréter les propos de M. Abbas comme conditionnels.
M. Abbas a dressé à l'ONU un tableau noir de la situation: Israël continue d'occuper la Cisjordanie et Jérusalem-Est, poursuit la colonisation des Territoires, maintient la bande de Gaza sous blocus, des milliers de Palestiniens sont en prison...
- "Le chemin de Gaza" -
Et un Etat de Palestine attend sa création depuis 67 ans. La question palestinienne, l'une des toutes premières dont les Nations unies aient eu à traiter, "n'est toujours pas résolue", a constaté M. Abbas.
Pourtant, les accords d'Oslo et ceux qui ont suivi stipulaient qu'un Etat palestinien indépendant verrait le jour en 1999, a-t-il souligné. Les Palestiniens ont respecté leurs engagements, pas les Israéliens, qui ne "laissent pas d'autre choix" aux Palestiniens que de s'affranchir des accords existants, selon lui.
Les experts relèvent que ces propos manquaient de traduction concrète. "Cela peut vouloir dire beaucoup de choses", allant d'une suspension purement formelle des accords à un arrêt pur et simple de la coopération sécuritaire, civile et économique, explique à l'AFP l'analyste Jonathan Rynhold.
Mais en arrêtant la coopération sécuritaire, l'Autorité palestinienne "pourrait bien prendre le chemin de Gaza", dont le mouvement islamiste Hamas a pris le contrôle, voire du "chaos", prévient cet expert.
Instaurée par les accords d'Oslo, la coopération sécuritaire passe pour avoir permis de déjouer des dizaines d'attentats anti-israéliens, mais aussi pour oeuvrer à la stabilité de la Cisjordanie. En allant au bout de la rupture, les Palestiniens prendraient le risque non seulement d'une réoccupation complète de la Cisjordanie, mais aussi d'un déstabilisation du territoire. La direction palestinienne en a annoncé la fin en mars. Mais elle continue.
- Risque d'un "embrasement dramatique" -
En fait, dit M. Rynhold, M. Abbas "en a assez de ne plus entendre parler que de l'Iran" et essaie de remobiliser une communauté internationale qui a les yeux tournés ailleurs. "Est-ce qu'ils sont vraiment prêts à aller aussi loin et à commettre un suicide institutionnel? J'en doute", ajoute l'expert.
Il n'est pas le seul. Le Hamas, qui réclame constamment la rupture avec Israël, a jugé le discours de M. Abbas "sentimental" et l'attend au tournant de ses actes.
"J'ai interprété ces propos comme un scénario qui se réalisera si... et il y a un +si+. C'est sur ce +si+ qu'il faut travailler", a déclaré la chef de la diplomatie européenne.
Mme Mogherini venait de participer à une réunion du Quartette (États-Unis, Russie, UE, ONU), médiateur, sans grand succès jusqu'alors, du conflit israélo-palestinien. Le Quartette a décidé de "revitaliser (ses) activités", a annoncé Mme Mogherini comme si M. Abbas avait été entendu.
Elle a souligné "l'urgence" en évoquant les récentes tensions à Jérusalem autour de l'esplanade des Mosquées et le danger d'un "embrasement dramatique". Pour progresser, a-t-elle dit, Israël doit appliquer concrètement les accords existants, mais les Palestiniens doivent aussi reprendre les "négociations directes".
Or M. Abbas, engagé dans une démarche d'internationalisation de la cause palestinienne matérialisée depuis mercredi par la présence du drapeau palestinien au siège de l'ONU, a repété qu'il était inutile, à ses yeux, de "perdre son temps en négociations pour le plaisir des négociations".
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