Avant une grande maison aux volets bleus se dressait ici et 17 personnes
y vivaient. Mais quelques heures et deux bulldozers israéliens ont
suffi à tout raser car elle a été construite sans permis, comme plus de
la moitié des maisons du village palestinien de Deirat.
Dans ce village de 1800 habitants perché sur une colline ouverte à tous
les vents dans le sud de la Cisjordanie occupée, la plupart des
familles ont préféré construire sans l'autorisation qu'elles doivent
demander à Israël, alors même qu'elles bâtissent sur des terrains leur
appartenant.
Ces permis, que de très rares élus obtiennent au prix d'un long parcours
du combattant, font désormais l'objet d'un examen à la Cour suprême
israélienne.
Car l'Etat hébreu garde la haute main sur les questions de construction
et d'urbanisme dans la zone C, ces plus de 60% de la Cisjordanie qui
échappent au contrôle de l'Autorité palestinienne en vertu des Accords
d'Oslo de 1993. Ce contrôle devait être intérimaire mais perdure faute
d'une solution au conflit israélo-palestinien.
Le village de Deirat, l'ONG Rabbins pour les droits de l'Homme et trois
autres organisations ont mis sur pied un dossier réclamant la fin des
politiques de logement discriminatoires qui, en cas de décision
favorable, pourrait faire jurisprudence.
En remettant entre leurs mains les attributions de permis et la
planification, font valoir les plaignants, seraient résolu le problème
du déplacement forcé de population et celui des destructions de maisons,
autant de pratiques condamnées par le droit international.
"L'aménagement
du territoire n'est pas vu comme un droit, mais comme quelque chose que
le gouvernement israélien peut accorder ou retirer", explique à l'AFP
Arik Ascherman, président de Rabbins pour les droits de l'Homme.
Selon l'ONU, 298 000 Palestiniens vivent en zone C, ainsi que 341 000
Israéliens installés dans 135 colonies et une centaine de colonies
sauvages. Sur les 360 000 hectares de la zone C, moins de 1% est réservé
au développement de la construction pour les Palestiniens, contre 70%
pour les colons.
Jusqu'au conflit de 1967 et à l'occupation de la Cisjordanie, les
Palestiniens avaient leurs propres instances en charge de l'aménagement
du territoire, par la suite interdites sur ordre militaire israélien en
1971.
Depuis, règne un système à deux vitesses, accuse Rabbins pour les droits
de l'Homme: civil et représentatif pour les colons israéliens et
militaire pour les Palestiniens qui ne sont pas consultés.
"Tout cela conduit à un échec de l'aménagement de plus en plus criant et
à la destruction de masse de maisons palestiniennes en zone C", déplore
l'urbaniste Ghassan Khamaisseh dans un avis adressé à la Cour suprême.
L'année dernière, Israël a détruit 601 constructions palestiniennes et
déplacé 1215 personnes, des chiffres records selon l'ONU qui a commencé
à tenir des comptes en 2008. Sur la même période, un seul permis de
construire a été accordé, selon l'ONG des droits de l'Homme israélienne
Bimkom.
A Deirat, la peur d'une démolition soudaine plane dans tous les esprits.
"Tous les jours, tu vois passer une jeep et tu te dis qu'ils viennent
pour démolir ta maison", raconte Mohammed al-Oumour, 59 ans, et père de
30 enfants qu'il a eu avec ses quatre femmes.
"C'est
une guerre psychologique et financière qui n'a aucune limite", poursuit
cet agriculteur qui a mis toutes ses économies et celles de ses fils
dans la défense puis la reconstruction de quatre des maisons de la
famille, détruites par les autorités israéliennes.
"Ici, quelqu'un qui a plus de 45 ans a forcément eu une maison détruite,
parfois deux, trois, quatre fois", renchérit Mohammed al-Adra, un
chauffeur de taxi père de 25 enfants. Et, "tout ça, dit-il, c'est pour
nous forcer à partir".
L'organe du ministère de la Défense chargé de coordonner les activités
israéliennes dans les Territoires palestiniens le reconnaît lui-même: la
délivrance ou non de permis de construire aux Palestiniens relève bien
de considérations politiques, d'ailleurs elle est décidée "au niveau
politique".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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