67 ans après la "Nakba", la "catastrophe" qu'a constitué pour eux la
création d'Israël, les réfugiés du camp de Dheicheh ont installé des
serres sur leurs toits pour garder le lien avec la terre que cultivaient
leurs parents.
Hajjar Hamdane al-Ayess arrache quelques feuilles jaunies, verse de
l'eau dans les tuyaux percés où elle a planté des aubergines, des
concombres et des tomates. C'est sa façon à elle de s'échapper des
ruelles étroites de ce camp qui héberge plus de 15 000 réfugiés, venus
de 44 villages palestiniens aujourd'hui disparus.
"Les juifs ont pris nos terres. Pour compenser et parce qu'on aime la
terre, nous avons décidé de cultiver sous des serres sur nos toits",
explique cette femme dont les parents se sont installés en 1952 à
Dheicheh après avoir fui leur village de Zacharia.
Cette Palestinienne aimerait étendre ses plantations, mais il n'y a plus
d'espace libre au sol et les toits ne sont pas extensibles. Alors elle
se contente de sa petite serre, en attendant mieux.
Car "le plus important reste de revenir sur nos terres, de les
retrouver", dit-elle à la veille de la commémoration par les
Palestiniens de la "Nakba".
Ce "droit au retour" est l'un des points cruciaux d'un éventuel
règlement entre Palestiniens et Israéliens. Les Palestiniens en font une
condition sine qua non à tout accord de paix, ce que les Israéliens
rejettent catégoriquement.
Pour Yasser Alhaj, l'initiateur du projet avec son association Karama,
créer ces jardins en l'air est une façon de garder vivantes dans les
esprits ces terres qui appartiennent aujourd'hui à d'autres. "Quand on
cultive une terre, il s'y crée un attachement. On devient lié à cette
terre et donc à sa patrie", explique-t-il dans son bureau devant une
carte de la "Palestine avant 1948".
"Les juifs se sont trompés: ils espéraient que les générations venant
après la Nakba allaient oublier", dit-il. Or "les jeunes n'ont pas
oublié et n'oublieront jamais", jure-t-il, en expliquant à une poignée
d'enfants la culture des tomates bien rouges, jaunes, zébrées ou roses
qu'il a rapportées des Pays-Bas.
Abou Fouad, 100 ans cette année, fait partie des derniers Palestiniens
ayant vécu la "Nakba". Le symbole qui le rattache à sa terre perdue est
la lourde clé en fer avec laquelle il a fermé une dernière fois sa
maison, laissant ses affaires à l'intérieur, "parce que les gens
pensaient revenir", explique-t-il.
Il raconte avoir pris les armes en 1948, "un fusil acheté à un Egyptien
qui avait des stocks hérités de la Première Guerre mondiale", pour mener
le "jihad" et sauver son village de Beit Aatab.
Il a finalement atterri à Dheicheh, à une quarantaine de kilomètres de
sa terre natale. A l'arrivée, lui et les douze membres de sa famille
partageant un logement exigu n'avaient "pas de travail, pas d'argent" et
ont dû comme les autres s'en remettre à la Croix-Rouge et à l'ONU.
Aujourd'hui encore, les Nations unies viennent en aide à cinq millions
et demi de réfugiés palestiniens entre la Jordanie, la Syrie, le Liban
ou les Territoires occupés.
De ses décennies d'exil intérieur, Abou Fouad devenu arrière-grand-père,
en a écrit des poèmes pour sa maison, aujourd'hui détruite.
Avant que les Israéliens n'érigent le mur qui encercle aujourd'hui
Bethléem, il est retourné à Beit Aatab. "J'ai retrouvé l'endroit où se
dressait mon école", se rappelle-t-il, la larme à l'oeil. Puis il récite
une de ses compositions qui dit son amertume devant la déroute trop
rapide des armées arabes en 1948 et se conclut par un "Ô musulmans, ô
chrétiens, vous l'avez bien facilement abandonnée, la Palestine!"
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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