Une organisation israélienne donnant la parole à des soldats a publié
lundi un document accusant l'armée israélienne d'avoir causé un nombre
sans précédent de victimes civiles en recourant à la force sans
discrimination pendant la guerre de Gaza en 2014.
L'armée israélienne a répondu avoir demandé à Briser le silence de lui
fournir des preuves ou des informations sur les témoignages publiés sous
le couvert de l'anonymat, pour qu'elle puisse enquêter. Mais
l'organisation a refusé selon l'armée, qui a clairement remis en
question ses intentions.
Dans le document compilant les témoignages de plus de soixante officiers
et soldats ayant participé à la guerre de juillet-août 2014, Briser le
silence dénonce l'hypothèse de travail de l'armée selon laquelle, à la
suite de ses frappes préparatoires et de ses avertissements aux civils,
les zones où se déployaient ses soldats avaient été désertées par les
civils, "faisant de chacun se trouvant dans la zone une cible légitime".
"Le principe directeur de l'armée qui prône le risque minimum pour nos
troupes, y compris aux dépens de civils innocents, ainsi que les efforts
déployés pour dissuader et intimider les Palestiniens ont causé de
nombreuses victimes dans la population et des dégâts sans précédent aux
infrastructures civiles", écrit Briser le silence, qui a déjà publié à
l'occasion de précédents conflits des témoignages de soldats.
L'ONU vient pour sa part de publier un rapport affirmant qu'au moins 44
Palestiniens ont été tués dans des locaux onusiens du fait des
agissements israéliens pendant la guerre à Gaza. Le conflit a coûté la
vie à 2 200 Palestiniens, dont 1 500 civils selon l'ONU, et 73 personnes
côté israélien, dont 67 soldats.
Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU est censé lui rendre en juin
un rapport distinct, et les Palestiniens réclament que les dirigeants
israéliens soient poursuivis devant la Cour pénale internationale. La
justice militaire israélienne, qui mène ses propres enquêtes, vient de
prononcer ses premières inculpations contre trois soldats soupçonnés de
pillage.
Dans un témoignage recueilli par Briser le silence, un soldat
d'infanterie affirme que "les règles d'engagement dispensées aux soldats
sur le terrain consistaient à ouvrir le feu, ouvrir le feu partout
[...]. Le postulat de départ était qu'à partir du moment où nous
entrions [dans la bande de Gaza pour la phase terrestre de l'opération,
NDLR], quiconque osait montrer sa tête était un terroriste".
Un soldat raconte que deux femmes marchant dans un verger avaient été
repérées puis tuées simplement parce qu'elles étaient trop près des
lignes israéliennes. Après inspection des corps, il s'est avéré qu'elles
n'étaient pas armées. "Elles ont quand même été listées comme
terroristes. On leur avait tiré dessus, alors évidemment elles devaient
être des terroristes", affirme le soldat amer.
Le document pointe du doigt la responsabilité confiée à des commandants
inexpérimentés confrontés à des instructions ambiguës ; il parle de
maisons démolies simplement parce qu'elles présentaient un risque
théorique. L'organisation fait aussi état d'agressions, de pillages, de
racisme et de vandalisme aux dépens des civils palestiniens. Elle dit
que les pratiques militaires ont évolué au cours du conflit, non pas en
fonction de contraintes militaires mais "d'intérêts politiques et
diplomatiques". La conduite de la guerre "suscite de graves doutes sur
la morale" de l'armée israélienne, dit le document.
L'armée a réaffirmé son engagement à enquêter "de la manière la plus
sérieuse possible" sur toutes informations "crédibles" relatives aux
agissements de ses soldats. Mais, a-t-elle estimé, le refus de Briser le
silence de partager ses informations rend "impossibles" des
investigations sur les faits qu'elle évoque. Cette attitude "indique
que, contrairement à ce qu'elle prétend, cette organisation n'est pas
motivée par l'intention de corriger les méfaits qu'elle dit avoir
découverts, nous ne sommes donc pas en mesure de répondre à ses
allégations", poursuit-elle.
(07-05-2015)
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