Après la perte dimanche de la capitale de la province d'Al-Anbar (ouest), le gouvernement irakien s'est résolu à faire appel aux milices chiites qu'il avait jusque-là tenues à l'écart de la plus grande province d'Irak pour éviter de s'aliéner sa population majoritairement sunnite.
Bagdad a ainsi annoncé lundi "l'arrivée de combattants des Unités de mobilisation populaire", composées de volontaires majoritairement chiites, pour prêter main forte aux forces gouvernementales à Ramadi, où la coalition dirigée par Washington a concentré l'essentiel de son feu aérien.
Elle a en effet mené 15 frappes contre l'EI samedi et dimanche dans cette zone, située à une centaine de kilomètres de Bagdad.
Reconnaissant le "revers" qu'a constitué le recul des forces irakiennes à Ramadi, Washington a affiché lundi sa détermination à reconquérir la ville, même si elle ne la juge pas militairement stratégique.
"Nous reprendrons la ville de la même manière que nous sommes en train de reprendre d'autres parties d'Irak, avec la combinaison des forces irakiennes sur le terrain et des frappes aériennes de la coalition", a affirmé un porte-parole du Pentagone.
Les Etats-Unis disposent d'une centaine de conseillers militaires déployés sur la base d'Al-Assad, à une centaine de kilomètres de Ramadi.
Pour Michael Knights, du groupe de réflexion Washington Institute, la proximité de Ramadi avec Bagdad rend probable une contre-offensive rapide du gouvernement de Bagdad. Les forces de Bagdad vont "regagner le terrain dans la plus grande partie de la ville à mon avis assez rapidement, dans les semaines à venir", a-t-il estimé.
Lundi, les Américains ont reconnu que les milices chiites, dont certaines sont soutenues par l'Iran, "ont un rôle à jouer (à Ramadi) tant qu'elles sont sous le contrôle du gouvernement irakien".
Déjà impliquées dans la reprise de la ville de Tikrit en mars, ces milices piaffent d'impatience d'en découdre à Al-Anbar.
Un porte-parole de l'une d'elles, Ketaeb Hezbollah, a ainsi affirmé lundi que des combattants étaient prêts à se mettre en route.
"Demain, si Dieu veut, ces renforts vont rejoindre Ramadi et le début des opérations pour nettoyer la zone récemment conquise par Daech (acronyme arabe de l'EI) sera annoncé", a déclaré Jaafar al-Husseini à l'AFP.
Des véhicules de miliciens chiites ont déjà convergé lundi vers Ramadi, où le drapeau noir de l'EI a été hissé.
Le chef du groupe paramilitaire chiite Badr a tenu "pour responsables les représentants d'Al-Anbar de la chute de Ramadi car ils ont contesté la participation des Unités de mobilisation (populaire) à la défense de leur propre peuple", selon la chaîne de télévision du groupe Badr.
La bataille de Ramadi a fait en trois jours au moins 500 morts --civils et soldats-- selon des responsables, et environ 24.000 personnes ont fui la cité d'après l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Une contre-offensive semble imminente, de façon à empêcher l'EI de construire des positions défensives élaborées.
Le Premier ministre Haider al-Abadi a ordonné lundi "l'installation de nouvelles lignes de défense à Ramadi pour redéployer les troupes", ont indiqué ses services après sa rencontre à Bagdad avec le ministre de la Défense iranien Hossein Dehghan.
Mais pour les analystes, la tâche sera ardue dans la province d'Al-Anbar, contrôlée en majeure partie par les jihadistes.
Il s'agit du "berceau de la communauté sunnite, qui n'a pas complètement rejeté l'EI", indique l'expert Ayham Kamel, directeur du groupe Eurasia pour le Moyen-orient.
"Ce n'est pas qu'elle approuve l'EI, mais elle peut avoir peur ou veut se couvrir. Elle ne va pas se révolter contre l'EI", a-t-il ajouté.
Le groupe extrémiste sunnite était présent à Al-Anbar avant même son offensive fulgurante de juin dernier dans le nord et l'ouest de l'Irak. Fort de dizaines de milliers d'hommes, l'EI occupe aussi de vastes régions en Syrie voisine.
L'issue des combats à Ramadi démontre la capacité de ce groupe à mener bataille sur plusieurs fronts. A la veille de cette offensive, il a lancé une attaque pour prendre la ville antique de Palmyre en Syrie, pays en guerre depuis 2011.
Lundi, l'EI s'est emparé de deux champs gaziers près de cette cité ancienne de plus de 2.000 ans, située dans la province de Homs, limitrophe de l'Irak, a rapporté une ONG.
Les combats se sont poursuivis entre le régime syrien et l'EI, qui se trouve autour de Palmyre et à un kilomètre seulement des ruines de ce site inscrit au patrimoine mondial de l'Humanité.
Dans la ville, "chacun est cloîtré chez soi", a affirmé Khalil al-Hariri, directeur du musée, présent sur place. "Les gens ont peur de sortir."
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