Ils sont venus en envahisseurs, ils ont tué et massacré des milliers de
paysans et de citadins autochtones, vivant dans leur pays et sur leur
terre, ils ont expulsé les deux tiers du peuple vers d’autres régions,
ils ont pris leurs maisons, leurs propriétés, leurs terres, leurs biens
et ils ont proclamé que la terre était à eux et que les Palestiniens qui
y vivent doivent partir. Ils furent aidés par l’occupant britannique,
qui s’était partagé la région avec l’impérialisme français. En 1948, ils
proclament la naissance de leur Etat sur la terre meurtrie de
Palestine, proclamation aussitôt approuvée par les puissances
impérialistes. C’est ainsi qu’a été fondée l’entité coloniale sioniste
sur la terre de Palestine : sur des massacres, des expulsions, des vols,
des répressions, des destructions. Cela se poursuit jusqu’à présent,
mais le « monde libre » ne veut ni voir ni entendre.
Aujourd’hui, au moment où les Palestiniens, qu’ils soient réfugiés ou
vivant sur leur terre occupée et colonisée, célèbrent la commémoration
de la Nakba, processus de nettoyage ethnique et religieux mené par des
colons venus d’ailleurs, tombe l’information, largement commentée,
parlant d’une nouvelle mesure des colons sionistes visant à empêcher les
travailleurs palestiniens des territoires occupés en 1967 de se rendre
dans l’entité coloniale fondée en 1948 sur la terre palestinienne, dans
des bus coloniaux, avec les colons. Il y aurait, semble-t-il, des bus
spécifiques pour ces travailleurs palestiniens. Mais cette mesure a été
gelée par le premier ministre sioniste Netanyuahu, par crainte de voir
son entité accusée d’apartheid, par ce même « monde libre » qui a fondé
son entité.
Le pire, ce n’est pas la mesure coloniale des sionistes, mais la
réaction à cette mesure et sa dénonciation par une opinion publique
jugée pro-palestinienne. La mesure coloniale ne fait que poursuivre ce
qui a déjà été commencé en 1948, et même avant la proclamation de
l’entité sioniste, car la séparation d’avec les Palestiniens et les
Arabes, ou bien les « non-juifs » comme le dit si bien la littérature
britannique de l’époque, est au fondement de la naissance et du maintien
de la colonie. Dénoncer un nouvel acte de séparation (des travailleurs
palestiniens d’avec les colons envahisseurs) ne devrait se faire qu’en
dénonçant la présence même de ces colons, en questionnant la légitimité
de leur présence en Palestine, mais non en réclamant que ces
travailleurs palestiniens, dont les terres ont été pillées par ces
colons, et à qui il ne reste plus qu’à vendre leur force de travail aux
entreprises coloniales, pour nourrir leurs familles (à cause des
contrats passés entre l’entité coloniale et l’Autorité palestinienne,
sous l’égide du Quartet et autres puissances impériales), soient
acheminés comme du bétail vers leurs lieux de travail, au jour le jour,
par ceux qui les ont pillés, et aux côtés de ceux qui se sont implantés
sur leurs terres..
Certains y ont vu une preuve de l’apartheid pratiqué par l’entité
sioniste envers les Palestiniens, et cela a conforté leur vision, ayant
assimilé la question palestinienne à l’Afrique du Sud. Mais en
Palestine, ce n’est pas l’apartheid, c’est une colonisation de
peuplement, où les colons ont expulsé les Palestiniens et poursuivent
leurs tentatives de les expulser hors du pays. Les Palestiniens
poursuivent leur résistance, non pour s’opposer au système d’apartheid,
mais pour demeurer dans leur pays et le libérer de la présence de ces
mêmes colons sionistes. Car s’en tenir au thème de l’apartheid pour
décrire l’enfer vécu par les Palestiniens sous la botte des envahisseurs
signifie en fin de compte pouvoir régler la question, en le supprimant,
sans supprimer ni colons ni colonisation, sans récupérer la terre
volée, ni les biens confisqués. Cela signifie également réclamer
l’égalité des colons et des colonisés, sans remettre en cause ce qui a
fondé cette entité, c’est-à-dire la colonisation, l’expulsion, le
racisme ou la haine du « non-juif » et l’expansionnisme. C’est en fin de
compte demander au travailleur palestinien de monter dans un bus
militarisé aux côtés des assassins de son peuple, après avoir été
humilié par des fouilles corporelles et les regards arrogants des
colons. C’est réclamer que le Palestinien accepte son humiliation pour
pouvoir nourrir sa famille, et ne présenter comme criminelle que la
mesure qui le sépare de son assassin.
Qu’est-ce qui est criminel ? La séparation du Palestinien d’avec le
colon ou la présence même du colon sur la terre de Palestine ? Que les
sionistes veulent vivre séparés, soit, qu’ils s’enferment dans leur
entité autant qu’ils le peuvent et qu’ils y étouffent. Les Palestiniens
n’ont jamais réclamé, sauf une minorité rattachée au monde occidental et
à ses fantasmes, de vivre avec les colons, de monter en bus avec eux,
de partager leurs lieux de débauche ou autres. Ce sont les sionistes qui
ont tout pris, et les Palestiniens sont contraints, parce qu’ils vivent
sous occupation, de les côtoyer. Mais est-ce leur choix ? Est-ce leur
désir ? Les millions de réfugiés répondront par la négative. Ils ne
veulent pas partager leur pays avec les colons venus d’ailleurs. Ils
veulent libérer la Palestine et y retourner, récupérer leurs terres,
faire revivre leurs villages, même s’ils ont été détruits : « tant que
la terre est là, et elle le restera, les maisons peuvent être
reconstruites » dira un réfugié du village de Alma, dans la province de
Safad. Il ne s’agit pas d’apartheid, mais de colonisation de peuplement.
Les réfugiés palestiniens sont toujours là pour le rappeler.
Fadwa Nassar
20/5/2015
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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