Le Premier ministre israélien sortant Benjamin Netanyahu a finalisé
jeudi une coalition de gouvernement qui va au-devant de la défiance
internationale en faisant la part belle à la droite et à un allié
nationaliste religieux déterminé à empêcher les Palestiniens d'avoir
leur Etat.
Les Palestiniens n'ont pas été longs à dénoncer le gouvernement qui
s'annonce comme un "gouvernement d'union pour la guerre et contre la
paix", selon les mots d'un de leurs dirigeants, Saëb Erakat.
Peu après, l'ONG anti-colonisation La Paix maintenant annonçait le feu
vert des autorités à la construction de 900 logements de colons à
Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la ville occupée et annexée
par Israël. Un accord donné mercredi mais rendu public jeudi, après
l'annonce de la coalition de gouvernement.
Netanyahu a arraché mercredi soir au forceps un accord avec le parti
nationaliste religieux Foyer juif qui a accepté de lui apporter le
soutien de ses huit députés, juste à temps pour que le président Reuven
Rivlin ne charge pas quelqu'un d'autre de former une coalition.
L'accord, que le Likoud de Netanyahu et le Foyer juif n'avaient même
pas eu le temps de finaliser avant l'échéance de minuit, l'a été jeudi.
Netanyahu ressort de six semaines de négociations avec une majorité
tellement minimale de 61 sièges sur 120 qu'elle est à la merci du
premier député venu.
Il devrait soumettre son quatrième gouvernement à l'approbation du Parlement lundi.
Avec le Foyer juif, deux partis ultra-orthodoxes et le parti de centre
droit Koulanou coalisés autour du Likoud, se profile un gouvernement
dont le centre de gravité s'est déplacé encore plus à droite que le
précédent. C'est aussi un gouvernement dans lequel le chef du Foyer
juif, Naftali Bennett, a taillé pour son parti une place prépondérante
et inespérée il y a seulement quelques jours.
Les partis ultra-orthodoxes risquent bien moins que Bennett de rendre
la vie impossible à Netanyahu, pour autant que le gouvernement
satisfasse les attentes religieuses et surtout sociales de leurs
électeurs, disent les observateurs.
Bennett en revanche, appelé à devenir ministre de l'Education après
avoir été celui de l'Economie, s'oppose à la création d'un Etat
palestinien, pierre angulaire des efforts de résolution du conflit
israélo-palestinien. Il est l'ancien chef du conseil représentatif des
colons. "Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'ils (les
Palestiniens) n'aient jamais leur Etat", lui faisait dire le New Yorker
en 2013.
La numéro trois sur sa liste, Ayelet Shaked, à laquelle est promis
l'important portefeuille de la Justice, est aussi un repoussoir pour les
Palestiniens.
Pour les spécialistes, ce gouvernement pourrait ne pas durer longtemps.
Soit parce qu'il succomberait à une crise, soit parce que Netanyahu,
comme de nombreux commentateurs lui en prêtent l'intention, essaierait
d'élargir sa coalition et peut-être même de former un gouvernement
d'union avec la gauche. Netanyahu lui-même a laissé la porte ouverte
mercredi soir: "J'ai déjà dit que 61 (sièges), c'était un bon chiffre.
Mais plus de 61, c'est encore mieux".
Mais,
à supposer que dure le gouvernement qui s'annonce, "il sera plus
difficile pour les amis d'Israël en Europe et les amis d'Israël au sein
du parti démocrate aux Etats-Unis de soutenir Israël parce que, pour
eux, la colonisation est indéfendable", dit l'analyste Jonathan Rynhold.
Or Bennett, fort de l'importance prise par son parti, risque de
parler fort en faveur des colons, dit-il.
Le quatrième gouvernement de Netanyahu est confronté à des défis
majeurs: les menaces sécuritaires à toutes les frontières d'Israël, la
possibilité d'un accord nucléaire international avec l'Iran, le grand
ennemi d'Israël, la restauration des liens détériorés avec les
Etats-Unis, l'offensive diplomatique et judiciaire des Palestiniens, le
coût de la vie et les inégalités sociales.
Robbie
Sabel, ancien ambassadeur et ancien négociateur avec les Palestiniens,
concède que ce gouvernement ne sera "pas très populaire auprès des
gouvernements étrangers qui auraient tous préféré une coalition plus
large, ou un gouvernement dirigé par les travaillistes".
Mais la diplomatie israélienne ne devrait guère être affectée, dit-il,
puisque, pour l'instant, les Affaires étrangères sont sous la coupe de Netanyahu.
Au cours de sa campagne électorale pour rallier la droite (et les
électeurs de Bennett), Netanyahu a causé l'une des plus graves
crises avec le grand allié américain en enterrant l'idée d'un Etat
palestinien et en promettant de poursuivre la colonisation. Il a nuancé
ses propos après sa victoire mais Washington a clairement dit l'attendre
au tournant.
"Les Américains vont râler en privé. Mais en public, ils vont travailler
avec le gouvernement" et le juger sur ses actes, estime M. Sabel.
(07-05-2015)
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