La situation politique est plus confuse que jamais au Yémen au lendemain
du rejet par les rebelles chiites d'un nouveau Premier ministre,
faisant craindre des violences comme celles attribuées à Al-Qaïda qui
ont fait dix morts mercredi.
Le rejet mardi soir par les rebelles d'Ansaruallah de la nomination
d'Ahmed Awad ben Mubarak a fusé deux heures à peine après l'annonce
officielle.
Les rebelles, également appelés houthis, qui contrôlent Sanaa depuis le
21 septembre, ont affirmé que cette nomination était loin d'"exprimer la
volonté du peuple" et reflétait celle de l'étranger, en allusion au
rôle selon eux de Washington et Ryad dans le choix de ce technocrate de
46 ans pour diriger le gouvernement.
Après la réunion consacrée au choix du Premier ministre, le président
yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi a reçu séparément les ambassadeurs
saoudien et américain au Yémen, selon un journaliste de l'AFP présent au
palais présidentiel.
"Les choses n'avaient pas été réglées en amont" de la réunion, a
commenté mercredi un diplomate occidental, faisant remarquer que le
rejet venait aussi en partie des rangs du Congrès général populaire
(CPG), parti de l'ancien président Ali Abdallah Saleh.
Selon des sources politiques, cinq candidats avaient été retenus dans un
premier temps sur 21 et le président Hadi a limité le choix à trois
personnalités.
C'est
alors que le délégué houthi, l'un des sept conseillers présents à la
réunion, a quitté la salle en refusant de voter. "Leurs objectifs ne
sont pas clairs", a dit le diplomate.
Malgré cela, le chef de l'Etat a entériné le choix de M. ben Mubarak,
estimant qu'il avait le profil fixé par un accord de trêve le 21
septembre qui avait mis fin aux combats avec les houthis dans la
capitale.
Dans l'entourage du président Hadi, on accuse les houthis d'avoir rejeté
M. ben Moubarak pour "ne pas tenir leurs engagements". L'accord du 21
septembre prévoit la levée des camps des houthis autour de Sanaa, leur
retrait de la capitale et la restitution des équipements pris à l'armée.
Or les rebelles n'ont cessé depuis de renforcer leur présence dans la
capitale et d'étendre leur influence ailleurs, notamment en direction de
l'est, vers les principaux gisements pétroliers du pays, et dans le
sud-ouest, en direction du détroit stratégique de Bab al-Mandeb qui
commande l'entrée sud de la mer Rouge.
Leurs détracteurs accusent les houthis de recevoir leurs ordres de
l'Iran et d'avoir rejeté M. ben Mubarak sous le prétexte qu'il avait
appartenu pendant ses études en Irak au parti Baas de Saddam Hussein,
ancien ennemi juré de Téhéran.
L'influence
de l'Iran sur les houthis est relativisée par la source diplomatique
occidentale qui, si elle reconnaît qu'elle existe, fait remarquer que
"Téhéran a d'autres priorités stratégiques dans la région".
La stratégie de grignotage des rebelles chiites provoque une vive
opposition d'Al-Qaïda qui recrute parmi les sunnites, majoritaires au
Yémen, alors que les houthis appartiennent au zaïdisme, branche du
chiisme qui se concentre dans le nord du pays et représente environ un
tiers de la population.
Des commandos présumés d'Al-Qaïda ont ainsi mené une série d'attaques
mercredi avant l'aube contre la police et l'armée, tuant dix policiers à
Baïda (centre), affirmant agir pour contenir l'expansion territoriale
des houthis, selon un responsable des services de sécurité.
Al-Qaïda estime en effet, selon cette source, que les forces de sécurité
comprennent de nombreux sympathisants des houthis, qui ont facilité
leur entrée dans Sanaa.
La communauté internationale ne veut pas croire, en dépit des violences
chroniques et d'une économie agonisante, en la mort du processus de
transition politique au Yémen, a souligné le diplomate occidental.
"Le processus de transition politique doit se poursuivre dans un cadre
apaisé et le président Hadi garde toute sa légitimité", a-t-il souligné.
La communauté internationale, représentée par le Conseil de sécurité de
l'ONU, continue d'exercer des pressions pour que ce processus ne
déraille pas, a ajouté cette source.
Le diplomate refuse de parler de blocage politique fatal dans ce pays
instable, se contentant de qualifier la situation politique actuelle de
"recul" et "d'épisode dommageable".
(08-10-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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