Nimr Baqer al-Nimr, dignitaire religieux chiite et "bête noire" des
dirigeants saoudiens, a été condamné à mort mercredi pour sédition, un
verdict qualifié de "politique" par sa famille qui espère une révision
du jugement.
L'annonce du verdict frappant ce personnage haut en couleur, qui était
l'un des animateurs de la contestation chiite de la dynastie sunnite des
Al-Saoud, n'a pas immédiatement entraîné de réaction violente parmi ses
partisans dans l'est de l'Arabie.
Elle a en revanche suscité un flot de commentaires tranchés sur les
réseaux sociaux. Sur Twitter, l'un de ses détracteurs a souhaité "voir
sa tête jetée aux chiens". "C'est un jugement injuste", a de son côté
clamé un de ses partisans.
En 2012, au pic des contestations par la minorité chiite, Nimr Baqer
al-Nimr était allé jusqu'à se réjouir publiquement de la mort de
l'ancien prince héritier Nayef ben Abdel Aziz, qui avait longtemps été
ministre de l'Intérieur.
Dans un prêche, le religieux de 55 ans avait déclaré ironiquement que la
puissance publique dont disposait le prince de son vivant ne l'avait
pas protégé de la mort.
Outre cette diatribe, Nimr Baqer al-Nimr avait prêché pendant des
manifestations en 2011 en faveur d'une sécession de l'est de l'Arabie et
de sa fusion avec le royaume proche de Bahreïn, également agité à
l'époque par un mouvement de contestation des chiites, majoritaires,
contre la dynastie sunnite des Al-Khalifa.
Sa condamnation à mort a été prononcée par un tribunal de Ryad
spécialisé dans les affaires de "terrorisme", devant lequel il a comparu
à 13 reprises depuis le début de son procès en mars 2013. Il a aussi
été condamné pour "désobéissance au souverain" et "port d'armes".
Dans un communiqué, sa famille a demandé que le verdict soit "purement
et simplement annulé" par la plus haute juridiction saoudienne.
"C'est un verdict politique par excellence (...) car fondé sur de
fausses accusations", a affirmé la famille de Nimr Baqer al-Nimr,
appelant les dignitaires religieux et les organisations de défense des
droits de l'Homme à faire campagne pour obtenir son annulation.
"On aurait souhaité voir les honorables juges prendre en considération
la démarche (...) pacifique de cheikh Nimr, qui a toujours refusé le
recours à la violence, aux armes et même aux jets de pierre face aux
tirs" des forces de l'ordre, a poursuivi la famille du dignitaire.
Selon elle, Nimr Baqer al-Nimr n'a fait que "demander des réformes" aux
autorités, dont il avait rencontré un représentant en 2008.
Son arrestation en juillet 2012 s'était déroulée de manière mouvementée
et avait généré des manifestations pendant desquelles deux de ses
partisans avaient été tués.
"L'un des instigateurs de la sédition, Nimr Baqer al-Nimr, a été arrêté à
Awamiya après avoir été blessé en opposant une résistance aux forces de
sécurité", avait alors déclaré le porte-parole saoudien du ministère de
l'Intérieur.
L'est de l'Arabie saoudite a connu en 2011 un mouvement de contestation
de la minorité chiite qui a pris une tournure violente en 2012.
Dans ce pays, les chiites représentent deux millions de personnes sur 18 millions d'autochtones, en grande majorité sunnite.
Ils se plaignent de discrimination, étant empêchés par exemple d'accéder
à d'importants postes dans l'administration et ne se faisant pas
recruter dans les services de sécurité.
Pendant la contestation, les heurts entre la police et des manifestants
avaient fait 24 morts, dont au moins quatre policiers, selon des
militants saoudiens.
Mais la tension était retombée en août 2102 lorsque sept dignitaires
chiites de la région de Qatif, où se trouve Awamiya, avaient accueilli
favorablement l'appel du roi Abdallah à la création d'un centre de
dialogue interconfessionnel.
(15-10-2014)
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