Des avions de la coalition ont de nouveau mené des frappes pour venir en
aide aux forces kurdes combattant l'avancée des jihadistes dans la
ville syrienne kurde de Kobané, une bataille qui provoque des émeutes
meurtrières dans la Turquie voisine.
Au moins 14 personnes sont mortes dans le sud-est de la Turquie lors
d'affrontements entre les forces de l'ordre et des manifestants kurdes
dénonçant l'inaction d'Ankara contre les jihadistes.
Pour la première fois depuis plus de vingt ans, les autorités d'Ankara
ont été contraintes d'imposer un couvre-feu strict dans six provinces du
pays peuplées en majorité de Kurdes pour tenter d'y ramener le calme.
Les jihadistes sont entrés lundi soir, après près de trois semaines de
siège, à Kobané, ville frontalière de la Turquie, où ils combattent rue
par rue les YPG (Unités de protection du peuple kurde), moins nombreuses
et moins bien armées mais aidées par les frappes aériennes de la
coalition américano-arabe.
De nouvelles frappes ont été menées mercredi, a rapporté une journaliste
de l'AFP depuis la frontière turque. Immédiatement après la première
d'entre elles, une épaisse fumée noire s'est élevée au-dessus d'une
colline situé à l'est de la ville.
Grâce aux frappes, "les YPG ont repoussé les forces de l'EI", avait affirmé mercredi matin Idriss Nahsen, un responsable local.
Mais ces bombardements n'ont pas suffi à empêcher les jihadistes de
lancer une nouvelle offensive dans la matinée dans l'est de la ville.
"De violents combats se produisent actuellement après que l'EI a lancé
une offensive pour reprendre les zones qu'il avait perdues", a indiqué
le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami
Abdel Rahmane.
Selon son ONG, au moins 412 personnes sont été tuées dans les combats, mais le bilan pourrait s'avérer bien plus lourd.
Le président Barack Obama doit rencontrer mercredi les commandants en
chefs des forces armées et faire le point sur les frappes aériennes
menées par l'armée américaine et les alliés en Irak et en Syrie.
Le son des obus de mortiers et des tirs nourris était audible depuis la
frontière turque mercredi matin, selon une équipe de l'AFP sur place.
Mustafa Ebdi, militant et journaliste de Kobané, a affirmé sur son
compte Facebook que "les rues du quartier de Maqtala", dans le sud-est
de la ville, étaient "pleines des cadavres des combattants de Daesh",
l'acronyme arabe de l'Etat islamique.
Mais
des centaines de civils sont encore dans la ville, a-t-il ajouté, en
précisant que la situation humanitaire devenait "difficile car les gens
ont besoin de nourriture et d'eau".
Il est très difficile d'évaluer le nombre de civils encore présents dans
la ville, certaines sources faisant état d'une fuite totale de la
population, tandis que d'autres, comme M. Ebdi, affirment qu'il reste
des habitants.
Dans la nuit, selon Idriss Nahsen, 350 civils sont passés en Turquie,
mais les services de renseignement turc les ont interpellés, les
soupçonnant de liens avec les rebelles du Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK).
Ces civils sont pour l'instant retenus dans deux bâtiments dans un
village à la frontière, et vont être transférés vers les prisons des
villes de Sanliurfa et Diyarbakir.
"S'ils ne sont pas libérés, ils s'immoleront", a ajouté M. Nahsen,
précisant qu'ils avaient déjà mis le feu à des couvertures dans la nuit.
Si
les frappes aériennes ont quelque peu aidé les combattants kurdes à
reprendre des positions aux jihadistes, elles ne suffiront pas à sauver
la ville, ont mis en garde plusieurs experts. Une intervention de
troupes au sol, arabes ou turques, Washington ayant exclu une présence
autre qu'aérienne en Syrie, est seule à même de réellement inverser la
tendance, souligne-t-on.
L'envoyé spécial des Nations unies en Syrie, Staffan de Mistura, a
appelé à "agir immédiatement" pour sauver la ville des jihadistes. "La
communauté internationale a le devoir de la défendre. La communauté
internationale ne peut pas tolérer qu'une nouvelle ville tombe aux mains
de l'EI" a-t-il lancé depuis Genève.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a plaidé mardi pour une
opération militaire terrestre, mais le scepticisme demeure sur la
possibilité de voir des troupes turques franchir la frontière.
"Vous croyez que c'est dans leur intérêt?", se demande ainsi une source
gouvernementale française, soulignant le conflit non soldé d'Ankara avec
sa propre minorité kurde.
Cela pourrait cependant être l'unique solution pour calmer la population
kurde de Turquie, qui est descendue massivement dans les rues depuis
lundi à l'appel de son principal parti politique.
Le
conflit s'est également transporté en Allemagne, où des violences entre
membres des communautés kurde et yazidi à des militants islamistes ont
fait au moins 23 blessés dans le nord dans la nuit de mardi à mercredi.
(08-10-2014)
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